Peur du manque d’argent : angoisse et phobie

Souffrir de la peur de l'argent entraîne souvent des blocages, ne permettant pas de faire les meilleurs choix pour ses finances personnelles.
À jour le 21 avril 2022

La peur, selon le dictionnaire de l’Académie française, c’est une émotion pénible, produite par l’idée ou la vue d’un danger. La peur est bien souvent irrationnelle, ou issue de la culture, de l’éducation. Ceci ne serait pas un problème si la peur ne provoquait pas une paralysie, empêchant toute action qui pourrait mener la personne à devoir confronter le danger. La peur de manquer d’argent est, et c’est paradoxal, une des raisons pour laquelle une personne peut se retrouver en situation financière difficile. Dans cet article, nous allons décrypter tant que possible cette phobie, commune à beaucoup de monde, et voir son rapport avec le crédit revolving, désormais nommé crédit renouvelable.

La « phobie » du manque d’argent et conséquente phobie du crédit

Une pièce d'un euro

L’actrice Mariska Hargitay, de la série New York Unité Spéciale a peur de manquer d’argent. Cette femme, une des actrices les mieux payées aux Etats-Unis, vit dans l’angoisse de ne plus avoir d’argent. Comment est-ce possible ? Cette peur peut prêter à sourire, surtout en considérant sa rémunération, mais elle est bien réelle. Nous sommes, en tant qu’adultes, le produit de notre enfance, et nous en portons les angoisses, transmises par nos parents, notre éducation et notre culture.

Mariska a vécu dans un milieu modeste, où il ne fallait pas dépenser, où il fallait faire attention parce qu’on ne savait jamais de quoi était fait le lendemain. Cette façon de penser s’est ancrée dans son subconscient, et même une fois devenue millionnaire, elle ne peut s’en débarrasser. On pourrait se dire quelque part que tant mieux, si cette phobie aide les gens à ne pas dépenser plus que de raison, tant mieux si ça permet d’être économe, on évite de nombreux cas de surendettement. Mais ce n’est pas tout à fait vrai, et on observe que bon nombre de personnes qui ont un problème récurrent de manque d’argent réel sont aussi celles qui on peur de manquer d’argent. Sans doute parce qu’elles ont de réelles raisons d’avoir peur, mais est ce que cette peur ne provoque pas non plus leur situation actuelle ?

Manque de confiance

Comme je vous le disais en introduction, la peur paralyse. Elle empêche de prendre les bonnes décisions, qui pourraient permettre d’améliorer sa vie. Le cas le plus typique est celui de la personne qui pourrait démissionner pour aller faire un travail mieux rémunéré. Si cette personne a une peur de manquer d’argent, même inconsciente, elle ne démissionnera pas, car elle peut penser que ce nouveau travail qu’on lui propose est moins sûr, qu’elle pourrait ne pas pouvoir le réussir, et qu’au final, elle se retrouverait au chômage. On le voit, la peur de manquer d’argent peut ainsi provoquer une paralysie, pour quelque chose qui pourtant aurait pu lui apporter encore plus de revenus. La peur de manquer d’argent peut être associée avec la peur du manque tout court. Peur de manquer d’affection, de manquer de santé, de manquer de nourriture…

La personne qui a peur a son jugement faussé, détourné, et n’arrive pas à bien cerner l’essence d’un problème. En gonflant par exemple le risque de la perte d’un emploi, ou en minimisant ce qui aurait le rôle de sécuriser, de mettre en confiance. C’est pour ça qu’on peut prendre des décisions qui peuvent sembler illogiques : la peur dicte les décisions des personnes, qui du coup ne font pas forcément ce qui aurait été le mieux pour elles.

La phobie du manque d’argent empêche de cette façon quelqu’un de progresser. C’est souvent le reflet d’un manque de confiance en soi. Dans l’exemple, la personne a peur de ne pas pouvoir réussir son nouveau travail, ce qui est typique des gens qui ne sont pas sûrs d’eux. Le manque de confiance vient souvent de l’enfance, où la personne n’était pas valorisée par ses parents, par exemple, ou a eu une expérience d’échec traumatisante. Pour arrêter d’avoir peur de manquer d’argent, il faut donc s’attaquer à la cause principale de cette phobie, et se mettre désormais en confiance.

Je ne suis évidemment pas psychologue, et ce n’est pas le blog du crédit qui va remplacer l’avis d’un professionnel, mais le fait même de savoir que la peur de manquer d’argent peut venir d’un manque de confiance en soi peut permettre à la personne de se prendre en main, et de travailler cette confiance. Le problème dès que l’on parle de réalisation personnelle, de progresser individuellement, c’est le nombre très important de charlatans présents, qui promettent de tout guérir et de tout réussir, pour peu que vous achetiez leur livre ou assistiez à leurs formations.

Il ne faut pas les écouter, dès lors qu’ils demandent à acheter quoique ce soit. Si il faut trouver de l’aide pour soigner cette crainte, il vaut mieux chercher du coté de professionnels, comme des psychologues, voire même des psychiatres si la peur se transforme en phobie, ce qui est une pathologie.

Malaise de l’argent : je ne mérite pas l’argent que je gagne

Pour d’autres personnes, le manque de confiance et leur rapport à l’argent peut se traduire de façon encore plus maladive. Ici, la personne pense qu’elle ne mérite pas l’argent qu’elle gagne ! Ces cas sont assez communs, et ont les mêmes conséquences que la peur de manquer d’argent : croire que l’on ne mérite pas l’argent que l’on gagne empêche bien sûr quelqu’un d’accepter une promotion, de vouloir changer pour un travail mieux rémunéré.

L’individu aura alors un authentique comportement d’auto-sabotage, même inconscient, visant à le limiter au niveau de ses revenus. Ne pas investir dans un projet qui aurait pu lui faire gagner de l’argent, ou même dépenser plus que de raison, pour ne pas avoir « autant d’argent ».

L’argent met mal à l’aise. Peur de voir les nouvelles factures, peur de payer le loyer. A chaque nouvelle dépense, on s’imagine qu’un jour, on ne pourra plus les payer. L’argent est un tabou, qu’il faut décidément combattre. Apprendre à gérer son argent, apprendre à affronter ses problèmes bancaires, apprendre à vivre avec son argent : ce n’est pas si simple. Combien d’entre nous peuvent se vanter de savoir exactement combien ils dépensent par mois ? Combien d’entre nous ont même peur de regarder leur compte bancaire ? Peur de ne pas y trouver autant d’argent que ce qu’on aurait voulu, par exemple…

Notre société actuelle est vraiment ambiguë. Le tabou de l’argent est cultivé depuis des générations, mais d’un autre coté on nous oblige à « réussir dans la vie ». Mais pour réussir dans la vie, il ne faut pas que l’argent soit tabou, vu que justement, c’est le fait d’avoir de l’argent qui va déterminer notre degré de réussite, du moins aux yeux de la société. C’est triste à dire, mais inconsciemment, beaucoup pensent que la valeur de quelqu’un se mesure à la taille de son compte en banque.

Peur de faire un crédit

Il est bien sûr impensable pour quelqu’un qui a un tel malaise avec l’argent de prendre un crédit immobilier. Parce qu’elle ne s’imagine pas réussir à le payer tout au long des dizaines d’années qu’un crédit immobilier peut durer, parce qu’elle préfère se dire que si elle n’arrive pas à payer son loyer, elle pourra toujours déménager dans plus petit. Cette façon de penser est réellement néfaste, d’autant plus qu’elle est erronée ! Un crédit immobilier doit plutôt être perçu comme étant de l’épargne, l’argent que l’on paye à la banque n’est pas un cadeau qu’on fait à l’institution financière. Non, on paye en plusieurs fois un bien immobilier qui nous appartient et qui peut valoriser, ce n’est pas à fonds perdus, contrairement à un loyer. Ainsi, la personne victime de phobie du manque d’argent finit par se mettre dans l’embarras, car elle ne réussi jamais à sécuriser son avenir financier en devenant propriétaire de son logement.

Le crédit n’est pas l’instrument diabolique du surendettement. Il peut, lorsqu’il est utilisé à bon escient, simplifier la vie de bon nombre de personnes. Il suffit de penser que certaines personnes, même en de très grosses difficultés financières, font un crédit, pour pouvoir aller de l’avant, pour pouvoir investir dans leur avenir. C’est la raison même de l’existence du microcrédit pour les personnes au RSA : ces personnes ne manquent pas de confiance en elles, et veulent investir dans leur propre emploi, plutôt que d’attendre le bon vouloir d’un patron qui de toute façon ne pensera qu’à les exploiter… Il ne faut toutefois pas tomber dans les excès inverses, et d’avoir un peu de prudence (à ne pas confondre avec peur) au moment de faire un crédit. Peut-être que faire un crédit pour jouer en bourse ou un crédit pour pouvoir jouer au poker, ce ne sont pas de très bonnes idées.

Même le crédit renouvelable, pourtant si décrié, peut aider les personnes en proie à la phobie du manque d’argent. La peur de manquer d’argent peut s’exprimer de différentes manières. Elle peut mener une personne à vivre au dessus de ses moyens, ce que le crédit renouvelable peut permettre.

Le crédit renouvelable, une réserve d’argent toujours disponible

Il y a plusieurs degrés de peur de manquer d’argent. Le crédit renouvelable, autrefois nommé réserve d’argent ou crédit revolving peut venir rassurer ceux qui vivent dans la peur de retrouver dans le rouge à chaque fin du mois. Le crédit renouvelable, en étant toujours disponible en cas de besoin, rassure : on sait que si jamais on en a vraiment besoin, on pourra toujours obtenir de l’argent de cette façon. Bien sûr, il ne faut l’utiliser qu’en cas véritablement de nécessité, en sachant qu’on attend plus tard des rentrées d’argent qui permettront de rembourser son crédit, et qu’on n’aura plus de gros besoin d’argent soudain. Inutile donc d’aller dépenser sans compter de l’argent que l’on n’a pas, en faisant un crédit pour offrir des cadeaux à Noël! Le crédit renouvelable donne l’illusion d’avoir de l’argent, et de ne plus en manquer, que de toute façon en cas de pépin, il y a toujours la possibilité de prendre un crédit. Mais ce n’est qu’une illusion, il faut bien comprendre que ce type de crédit est là que pour des situations exceptionnelles, comme une assurance.

Les sociétés de crédit, qui s’occupent d’octroyer des prêts, sont de toute façon de plus en plus responsabilisées pour leurs crédits, avec les nouvelles lois sur le crédit, et surtout l’arrivée prochaine du tant attendu fichier positif, le registre national des crédits. Un crédit doit être vu comme une chance, une opportunité d’investir et d’aller de l’avant, non pas comme un synonyme de surendettement. La peur de manquer d’argent doit être combattue, un peu comme on guérirait le mal par le mal : une fois mis devant le fait que le crédit ne l’a pas tué, la personne peut prendre conscience de l’inutilité de sa peur. Ce n’est pas simple, je le conçois, et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il ne faut pas aller prendre un crédit au hasard juste pour faire un crédit, mais parce qu’on a un réel projet, qui jusqu’à aujourd’hui était bloqué par cette peur maladive de manquer d’argent. Si, en écoutant son entourage, et surtout la raison, tout nous pousse à se lancer, il faut le faire.

Solutions pour arrêter d’avoir peur de manquer d’argent

On l’aura compris, la première chose à faire avant tout le reste, c’est de gagner confiance en soi. Peut-être que le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de relativiser. Si on imagine le pire, la perte totale de revenus, du salaire, du jour au lendemain, que va-t-il nous arriver ? Au pire, on sera bénéficiaires du RSA, ce qui assure malgré tout un petit revenu, de quoi manger. Mais avant d’en arriver au RSA, si on travaille et que l’on cotise, on touchera d’abord les allocations chômage !

Il existe de nombreuses solutions pour les personnes qui se retrouvent dans des situations financières très difficiles, y compris la procédure rétablissement personnel pour ceux qui sont surendettés, dans l’impossibilité de rembourser leurs dettes. Ces aides de l’état peuvent aider quelqu’un a se rassurer en cas de perte d’emploi. Il est toujours possible de trouver un autre emploi, un nouveau job, c’est aussi peut-être le moment de prendre un nouveau départ. Bref, considérer la perte de l’emploi comme étant une opportunité de changer, de peut-être trouver le travail qui paye mieux, plutôt que de considérer le chômage comme une fatalité.

Notre regard sur les choses provoque, on le sait, le succès ou l’échec. Mais les personnes qui ont peur de manquer d’argent sont loin encore de perdre leur travail, de perdre toute rémunération. Parfois, pour avoir confiance en soi, il faut juste arrêter d’écouter ceux qui justement ne vous mettent pas en confiance. Si par exemple notre peur de manquer de l’argent nous vient de notre éducation, de notre enfance, il faudra peut-être arrêter d’écouter une fois adulte ses parents, du moins en ce qui concerne l’argent. La famille peut entretenir cette peur irrationnelle, il est important d’en prendre conscience.

La deuxième chose à faire, après avoir travaillé sur son estime personnelle et la confiance, c’est d’accepter de tout perdre. Ne pas en faire un drame affreux, et de se dire que même sans argent, il y a toujours moyen de vivre, de s’en sortir, de repartir à zéro. C’est sans doute le plus difficile à faire. Réussir à se détacher de sa situation actuelle, réussir à se dire que le pire n’est pas la fin de tout, mais peut-être le début de quelque chose. Combien de personnes ont pu changer de boulot, mieux rémunéré, grâce à une période de chômage forcée ? Combien de personnes se sont finalement lancées dans leur propre entreprise, alors qu’ils ne trouvaient plus d’emploi ?

Si on arrive à relativiser et à comprendre que le manque d’argent n’est pas catastrophique, la peur est pratiquement éliminée. On se souvient de la définition de peur : émotion pénible provoquée par l’idée d’un danger. Si la perte de ses revenus n’est plus considérée comme un danger, la peur disparaît immédiatement. Il faut redéfinir ce qu’est un danger. Peur de se retrouver à la rue, peur de ne plus avoir de quoi se nourrir. L’argent est un moyen, pas une fin en soi, et il existe en France de nombreux mécanismes de sécurité visant à assurer à tous de quoi subvenir à ses besoins vitaux.

Finalement, la troisième chose à faire est la plus prudente et plus logique : épargner. Plus on a de l’argent de coté, et plus on peut voir venir. Inutile de tomber dans l’excès de ne rien dépenser non plus, ceci peut avoir des effets encore plus dévastateurs ! La vie doit être vécue, l’argent doit être dépensé, dès lors qu’on arrive à avoir un peu d’argent de coté. Il ne faut pas vivre au dessus de ses moyens, c’est une évidence.

Avoir peur de gagner de l’argent peut rendre pauvre

Même en gagnant le SMIC, il y a des personnes qui n’ont pas peur de manquer d’argent. Pourtant, elles sont souvent en manque chronique, et se retrouvent souvent dans le rouge. C’est  ce que certains peuvent nommer d’insouciance. La question est de savoir : sont-elles heureuses ? Ont-elles plus de chances de trouver un emploi mieux  rémunéré ?

Pour ma part, j’ai l’impression que oui. Lorsque l’on est détaché vis-à-vis de l’argent, que l’on ne vit pas au dessus de ses moyens, on créé les conditions idéales pour améliorer sa propre vie.

Le témoignage de Pascal

Pascal est une personne qui nous a envoyé son ressenti personnel, celui de quelqu’un qui est lui aussi touché par la phobie de l’argent et du crédit. Je vous retransmets son témoignage, très instructif.

Je correspond tout à fait à la description de votre article. Je suis créditophobe, et je ne peux pas prendre le moindre crédit. J’ai été traumatisé pas des récits de personnes surendettées ne pouvant plus payer leur dettes.

Autour de moi j’ai vu des personnes prendre des crédits, mais personnellement je n’ai jamais pu.
Je n’ai pas voulu prendre de crédit immobilier, bien qu’ayant un CDI; un CDI n’est pas une garantie absolue de ne pas perdre son emploi.

Je raisonnais: « Et si je perd mon emploi, je ne pourrai plus payer le crédit immobilier, mon bien pourrait être saisi, et je pourrais même être en negative equity ». J’ai alors vécu dans un petit appartement au loyer raisonnable (j’étais célibataire), et j’ai placé mon argent à la place.

En fait je n’ai jamais été au chômage; j’ai eu deux périodes difficiles où j’ai du changer d’emploi, mais j’ai su négocier à temps avant de me retrouver dans le mur, ce qui m’a évité de connaître une période de chômage; mais cela je ne le savais pas à l’avance, avec mon manque de confiance en moi-même, j’étais persuadé que tôt ou tard je serais au chômage.

Finalement, quand j’ai acheté une maison sur le tard, j’avais une bonne réserve d’argent, et j’ai pu la payer comptant sans problème (j’aurais même pu acheter une maison plus chère, mais celle que j’ai choisie me convenait). Je prévois même encore d’acheter un appartement pour le mettre en location.

Je ne m’en sors pas si mal; évidemment, si j’avais eu plus confiance en moi, j’aurais pu acheter une maison (ou un appartement) à crédit, ou bien pour y vivre et ne pas payer de loyer, ou bien pour la louer (si elle n’était pas en région parisienne, car je travaillais dans cette région), et à terme, ou bien je l’aurais revendue à un meilleur prix, ou je m’y serais installé, et peut-être j’y aurais gagné par rapport à ma nature frileuse, mon manque de confiance en moi-même.

J’aurais aussi pu faire un très mauvais investissement, comme ceux qui ont voulu profiter de la loi Robien, qui ont acheté un appartement neuf surévalué dans une zone pauvre en locataires, un appartement qui souvent ne trouvait pas de locataire et ne profitait donc pas de la défiscalisation, et qu’ils ont du parfois revendre à perte quelques années plus tard, parfois même pas à moitié prix de ce qu’il l’avait acheté.
J’ai choisi la voie moyenne de prudence, celle qui peut-être ne me faisait faire un profit maximum, mais qui m’évitait aussi de faire des pertes.

En ne faisant pas de crédit, j’ai au moins évité d’avoir des inquiétudes permanentes sur mon avenir, et tant pis si j’aurais pu m’enrichir davantage en ayant plus confiance en moi-même.

Article rédigé par

José a travaillé au marketing de grandes sociétés financières. Ceci lui a donné ses premiers contacts avec les difficultés que pouvaient rencontrer les demandeurs de crédit.