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Quand on est en prison, difficile de travailler pour gagner de l’argent, et par conséquent, difficile de rembourser un crédit. Ce n’est pas parce qu’on est en prison que la dette est effacée. Un prisonnier risque donc, comme les autres, une procédure de rétablissement personnel, où tous ses biens seront vendus pour rembourser ses créanciers.
Il est possible d’atténuer l’impact financier de l’incarcération et la perte d’emploi, en agissant rapidement, de préférence avant l’incarcération, avant même le jugement.
Avant la prison, que faire de ses dettes ?
En attente de jugement, toujours en liberté, c’est le moment d’agir et de prendre ses dispositions.
En cas de crédit immobilier
Si on sait qu’on ne pourra plus honorer ses échéances de crédit immobilier pendant de longs mois ou même années, il vaut mieux éviter à tout prix une procédure de rétablissement personnel. Cette procédure permet d’effacer ses dettes, mais en vendant l’intégralité des biens du prisonnier en surendettement. Le bien immobilier serait alors vendu à un prix qui ne correspondrait pas forcément à sa réelle valeur.
L’essentiel, c’est de ne pas faire l’autruche. Même si on est innocent, et que le juge va sans doute nous acquitter, il vaut mieux préparer le terrain pour une future location en contactant des agences au préalable. Les erreurs judiciaires existent.
Normalement, le loyer permet de rembourser la mensualité du crédit. Si ce n’est pas suffisant, on peut envisager le rachat de crédit, afin d’étaler les remboursements et ainsi diminuer la mensualité.
La possibilité de louer n’est bien sûr viable que si le logement devient vacant. Si par exemple le conjoint y vit encore, et qu’il ne peut pas faire face aux mensualités du crédit seul, il y a encore quelques possibilités comme nous le verrons plus bas dans l’article.
En cas de crédit à la consommation
Le plus souvent, nous parlons du crédit auto. Ici, le mieux est de vendre la voiture et solder son crédit tant que possible. Même chose pour les autres biens achetés à crédit, il faut essayer de les vendre avant qu’une éventuelle procédure de rétablissement ne le fasse, à vil prix.
Si on n’est pas propriétaire de son logement, et que les biens sont dans la liste des biens « insaisissables » parce qu’essentiels à la vie, on peut éviter de les vendre, si on a quelqu’un qui veut bien nous les garder. Il s’agit de très peu de choses, nous parlons d’électroménager ou de meubles.
Les créanciers vont, lorsqu’ils constateront que l’incident de paiement est répété, ficher leur client à la Banque de France, et mettre en œuvre une procédure de recouvrement. Qui n’a rien ne craint rien, et même si moralement, on doit toujours de l’argent, difficile de rembourser quand on ne peut plus travailler. Dans une telle situation, il vaut mieux déposer un dossier de surendettement.
Dossier de surendettement et incarcération
Déposer un dossier de surendettement à la Banque de France permet à la personne surendettée de se mettre sous protection juridique : les créanciers ne pourront rien faire contre la personne surendettée, tant qu’une solution n’est pas trouvée pour régler les dettes.
Il peut s’agir d’une solution à l’amiable, avec un plan de remboursement qu’il faudra respecter. En général, les créanciers ont tout intérêt à trouver un terrain d’entente face à un prisonnier. Ils peuvent suspendre les poursuites, le temps au moins de la peine de prison, et ainsi engendrer moins de frais.
Mais si la situation est « irrémédiablement compromise », que la personne surendettée ne pourra plus jamais rembourser ses crédits, elle peut bénéficier d’un effacement des dettes, en échange de… tous ses biens, qui seront vendus pour rembourser les créanciers. Il s’agit de la « procédure de rétablissement personnel », une étape difficile à vivre, mais qui donne une seconde chance au surendetté.
En prison, sans aucun espoir de rembourser ses créanciers, c’est peut-être la meilleure solution. On sera fiché à la Banque de France et donc interdit de crédit pendant 7 ans au maximum, mais à la fin, c’est un nouveau départ : on a plus rien, mais on ne doit plus rien.
Aides de la CAF en prison
Si la personne incarcérée était allocataire de la CAF, certaines allocations vont continuer, tandis que d’autres s’arrêtent. Ses revenus ne sont plus pris en compte lors du calcul des droits soumis à conditions de ressources.
- Les aides au logement continuent d’être versées pendant un an si le bénéficiaire vit seul.
- Le RSA cesse d’être versé 60 jours après l’entrée en prison pour une personne qui vit seule. Il reprendra le mois de la sortie.
- Pas d’allocations chômage pendant l’incarcération : le détenu n’est plus considéré comme étant un demandeur d’emploi.
- L’AAH est réduite à 30%, 60 jours après l’entrée en prison.
A la sortie de prison, l’Allocation temporaire d’attente (Ata) était la première prestation sociale du détenu fraîchement inscrit à Pôle Emploi. Au 1er septembre 2017, cette allocation n’existe plus, et est remplacée simplement par le RSA, dès que la CAF est informée de la libération et que les conditions de ressources sont réunies.
Aides pour conjoint de détenu
Pour le conjoint qui reste seul pendant que l’époux ou épouse purge sa peine de prison, la situation peut vite devenir impossible à vivre. La CAF a un rôle central de soutien, avec des aides spécifiques :
- Le calcul des droits se fait désormais sur les seuls revenus du conjoint en liberté.
- Le RSA continue d’être versé pour les couples avec enfants, devenu un « RSA majoré parent isolé ».
- L’allocation de soutien familial (ASF) est une aide spécifique pour un enfant ne pouvant plus compter que sur un seul parent.
- Si la personne incarcérée bénéficiait de l’AAH, le taux plein est maintenu pour un couple avec enfant, ou si le conjoint est dans l’impossibilité de travailler.
Travailler en prison
Certains détenus ont la chance de pouvoir travailler en prison, ou d’avoir des formations rémunérées. Je dis bien « la chance », car les places sont malheureusement rares.
Pour ceux qui n’ont plus aucun revenu depuis 2 mois, ils peuvent demander à être prioritaires sur la liste d’attente, en passant en « commission d’indigence ». Cette commission, propre à chaque établissement, permet au détenu d’obtenir une aide financière. Inutile de croire qu’elle va permettre de payer un crédit : nous parlons ici d’une trentaine d’euros par mois et la télévision gratuite.
En revanche, lorsque l’on travaille en prison, on a une rémunération. Elle est très inférieure à ce que l’on peut toucher en liberté, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un gain « net » : en prison, on est nourri blanchi logé (enfin… pas tant que ça). Pour situer, nous parlons d’un salaire tournant autour de 1,50 euros de l’heure, comme l’indique Bastamag, soit 300 euros environ par mois, parfois plus, parfois encore moins !
Cet argent peut servir à se payer quelques petits conforts en prison, ou bien, dans le cas qui nous concerne, être utilisé pour de l’épargne ou rembourser un crédit. N’oublions pas : beaucoup de personnes au SMIC n’arrivent pas à mettre 300 euros de côté, les prisonniers qui travaillent mesurent bien leur privilège par rapport aux autres détenus.
Néanmoins, ce travail à bas coûts est une concurrence déloyale envers les entreprises « classiques », qui doivent payer normalement leurs employés. Sans compter l’exploitation sans vergogne de ces travailleurs heureux du peu qu’on leur donne. Pour l’illustrer, l’Observatoire International des Prisons a élaboré une infographie.
Une petite partie de l’argent du travail (ou reçu) est cotisé, c’est le « pécule de libération », que le détenu récupérera à sa libération. Une autre partie de l’argent sert à indemniser les parties civiles.
Prison et salarié
Si le détenu est salarié, et que son crime n’a pas de rapport avec son travail, plusieurs cas de figure :
- Suspension du contrat de travail pour les peines de courte durée
- Licenciement, avec les indemnités légales, pour les peines de longue durée.
L’incarcération est un motif sérieux de licenciement, même pour des peines de prison de courte durée, du moment que l’employeur prouve que le comportement du salarié provoque des troubles au bon fonctionnement de l’entreprise.
Associations d’aide aux détenus et leurs familles
Ces organismes viennent en aide aux personnes souvent en situation d’indigence, qui n’ont plus aucune ressource, afin de favoriser leur réinsertion une fois libérées.
- Ban Public – Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe
- Personnes sous main de justice – Croix Rouge
- Action France prison – Secours Catholique
- Secours Populaire
- ANVP – Association Nationale des Visiteurs de Prison
L’incarcération ne devrait pas rimer avec ruine financière de celui qui va payer sa dette envers la société en étant privé de liberté.
Il ne s’agit pas de lui appliquer une double peine, d’autant plus qu’il a déjà sans doute dû faire face à de grosses dépenses, entre les frais d’avocat ou les coûts des transports. Une fois en prison, le détenu peut demander de l’aide au SPIP, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui accompagnera le condamné dans ses démarches.
Il existe très peu d’aides financières, mais avec quelques astuces, il est possible de minimiser les effets de la prison. Ces aides sont surtout valables pour le conjoint, qui doit faire face aux dépenses familiales, mais seul. Il faut en informer la CAF et l’assistance sociale du Centre d’Action Sociale de son lieu de résidence, avec une attestation d’incarcération délivré par l’établissement pénitentiaire. Dès lors, ces organismes pourront guider le conjoint vers les démarches à suivre pour bénéficier des aides sociales.
Le détenu doit s’organiser financièrement, en prenant les devants avant d’être mis en surendettement. Faire un rachat de crédit pour baisser les mensualités, louer son appartement pour payer le crédit, déposer un dossier de surendettement, vendre des biens de valeur… tout sera mieux que d’être saisi par un huissier de justice et de n’avoir strictement plus rien à la sortie de prison, tout en continuant à devoir de l’argent en plus du casier judiciaire, véritable frein à l’emploi…