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Inutile de penser qu’il existe une méthode sans faille pour ne pas payer ses dettes. Moralement, une personne devrait toujours rembourser ce qu’elle doit. Légalement aussi d’ailleurs, même si les fraudeurs sont nombreux, malheureusement.
Pourquoi payer ses dettes ?
On a demandé à quelqu’un ou à une institution un emprunt, de l’argent. Cette personne, cette banque, n’y était pas obligée, mais elle l’a fait. Elle ne l’a pas fait par charité, il s’agit bien d’un emprunt, de quelque chose qui exige un juste retour. Le plus souvent, ce « juste retour » correspond à la somme que la banque va gagner pour avoir prêté de l’argent.
Contrairement à David Graeber (auteur du best-seller « 5000 ans d’histoire de la dette »), je ne pense pas qu’il faille arrêter de rembourser ses crédits pour anéantir le capitalisme. Ce n’est pas la solution, même si on est contre le système actuel : si ceux qui prêtent de l’argent ne peuvent plus faire confiance à ceux qui empruntent, c’est la fin du crédit.
En clair : sans crédit, il faudra économiser pendant 20 ans pour pouvoir s’acheter un logement. Il faudra économiser pendant 15 ans pour pouvoir créer son entreprise et créer de l’emploi. Sûrement que bon nombre d’opportunités seront perdues dans ce laps de temps, sûrement que beaucoup d’argent aurait été économisé si au lieu de payer un loyer, on avait payé un crédit immobilier.
Sans même parler de « morale », il faut donc rembourser ses dettes, si elles sont légitimes. Je ne parle pas des frais bancaires souvent scandaleux appliqués bien trop souvent aux personnes à découvert, je ne parle pas des anciens crédits revolving qui permettaient des folies comme la dette perpétuelle. Non, juste « j’ai emprunté 100 000 euros, j’ai promis d’en rembourser 140 000 sur 20 ans ».
De plus, la dette n’est pas forcément liée au crédit : on parle également des pensions alimentaires, des amendes ou des indemnités décidées par un tribunal, par exemple.
Comment devenir insolvable ?
L’insolvabilité, ne plus être solvable, veut tout simplement dire qu’on ne peut plus payer ses dettes, même en vendant la totalité de ses biens et en vidant ses comptes bancaires. Autrefois, on pouvait faire de la prison pour dettes : ce n’est plus le cas aujourd’hui. Au lieu de ça, il existe la « procédure de rétablissement personnel », héritière de la loi sur la « faillite civile » d’Alsace et de la Moselle, appliquée à l’ensemble de la France depuis 2004.
En Alsace et Moselle, on peut établir une « déclaration d’insolvabilité notoire », déposée par la personne surendettée. Cette déclaration est distincte de la « cessation de paiements » : la déclaration est plutôt réservée à ceux qui n’ont absolument plus rien pour rembourser même en vendant leurs biens, tandis que la cessation de paiements est plutôt pour ceux qui n’ont plus de liquidités.
Si on est insolvable, considéré comme tel par un juge, on n’a plus à rembourser ses dettes. C’est une solution miracle pour ne pas payer ce que l’on doit. Oui, mais…
Pour obtenir l’insolvabilité « officielle », il faut passer par un tribunal, et un juge, qui étudiera attentivement la situation. A partir de là, les dettes sont remboursées avec la vente des biens saisis de la personne en surendettement. Si la vente ne suffit pas pour tout rembourser, les créanciers ne pourront plus récupérer l’argent manquant. De plus, la personne insolvable est fichée à la Banque de France : elle ne peut plus faire de crédit pendant plusieurs années.
On comprend qu’il vaut mieux pouvoir payer ses dettes plutôt que d’être mis en procédure de rétablissement personnel : même si on ne doit légalement plus rien, on ne possède également plus rien. Il faut repartir de zéro. Ce n’est pas une situation enviable, sauf si… elle a été provoquée frauduleusement, comme nous allons le voir.
Organiser volontairement son insolvabilité.
Certaines personnes, pour être déclarées insolvables et ne plus avoir à payer leurs dettes, organisent volontairement cette insolvabilité, elles « s’appauvrissent ».
L’article 314-7 du code pénal nous donne une définition de l’insolvabilité frauduleuse très claire :
Le fait, par un débiteur, même avant la décision judiciaire constatant sa dette, d’organiser ou d’aggraver son insolvabilité soit en augmentant le passif ou en diminuant l’actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l’exécution d’une condamnation de nature patrimoniale prononcée par une juridiction répressive ou, en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d’aliments, prononcée par une juridiction civile, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Cette organisation est donc illégale : il s’agit d’un délit, passible de prison. Les complices peuvent également être condamnés. Mais tout aussi illégale qu’elle soit, l’organisation frauduleuse d’insolvabilité est souvent difficile à empêcher et à prouver. On retrouve souvent cette fausse insolvabilité dans ces situations :
- Ne pas payer une pension alimentaire: c’est la situation la plus courante de l’organisation frauduleuse d’insolvabilité. Pour ne pas payer la pension alimentaire à son ex-conjoint, on se fait passer pour plus pauvre que ce qu’on est réellement.
- Ne pas payer les indemnités : suite à une condamnation en justice, on ne paye pas ce que l’on doit à une victime du fraudeur (escroquerie, vol, dommages subis par un tiers…).
- Fraude au RSA et aux aides sociales : c’est sans doute le comble : en plus de « faire semblant » d’être pauvre, on demande les aides de l’Etat !
Aggraver son insolvabilité après un dépôt de demande de surendettement est également interdit : il ne faut donc pas payer les dettes, en attendant la décision finale de la commission de surendettement.
« Solutions » pour devenir insolvable
N’oublions pas : ce qui suit est interdit par la Loi, et sévèrement puni. Si vous êtes victime de quelqu’un qui a organisé frauduleusement son insolvabilité, ces quelques exemples peuvent vous permettre d’avoir une base pour dénoncer le fraudeur.
Augmentation du passif
Souscrire un crédit, ou, pire, déclarer des dettes fictives. Ici, on dit qu’on ne peut pas payer parce qu’on doit déjà de l’argent à quelqu’un d’autre. Quand on est divorcé (et un peu salaud, il faut le dire), on préfère peut-être payer le crédit immobilier de sa maison plutôt que de payer la pension alimentaire pour ses enfants.
Diminution de l’actif
Effectuer une donation, détruire des biens personnels, vendre un bien à un prix ridicule. C’est assez simple de vendre sa voiture à sa maman pour quelques euros, tout en continuant de s’en servir.
Dissimuler le revenu
Le travail au noir, non déclaré est la façon la plus simple de cacher des revenus, mais on peut aussi ne pas percevoir de dividendes (en les reportant par exemple).
Dissimuler des biens
Virer de l’argent sur un compte bancaire à l’étranger (pourquoi pas la Suisse…), faire semblant d’avoir vendu un bien de valeur…
Echapper légalement à ses créanciers
Pour ne pas payer ses créanciers, mieux vaut être honnête avec son insolvabilité. Après avoir déposé un dossier de surendettement, le débiteur est protégé de ses créanciers pour au moins deux ans. On peut également profiter d’un oubli de la part du créancier. Si par exemple, pendant deux ans, le créancier ne demande pas à être remboursé et n’a pas fait d’action en justice, il y a prescription.
Il vaut mieux toutefois prendre les devants en cas de très gros souci pour payer ses dettes, comme je vous l’explique dans l’article « incident de paiement ». Il faut prévenir plutôt que guérir, il faut avertir le créancier qu’on ne pourra pas payer sa dette, et tenter de trouver, ensemble, une solution. Faire l’autruche, attendre de passer par le tribunal puis la visite des huissiers n’est pas une solution : le débiteur devra tout payer et plus encore, les frais de justice étant à sa charge.
Pour qu’il y ait un délit, le tribunal doit prouver que le fraudeur savait qu’il pouvait être condamné à payer (pension alimentaire, indemnité…) et qu’il a organisé volontairement, en connaissance de cause, son insolvabilité. Ce n’est pas simple, surtout si cette « organisation » est ancienne, bien antérieure à son obligation de payer. Les personnes les plus fragiles, par exemple l’ex-épouse en attente de la pension alimentaire pour donner à manger aux enfants, on trop souvent du mal à faire valoir leurs droits : ici, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide juridique gratuitement ou à contacter l’ARIPA.
Pour ceux qui malgré tout, seraient tentés d’organiser leur insolvabilité, soyez prudents : la punition est lourde, tant socialement que pécuniairement. En plus de ne plus rien posséder (confiscation), vous condamnez vos proches qui ont marché dans la combine et risquez la prison.