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La douleur provoquée par un divorce ou un décès est souvent amplifiée par les difficultés que l’on peut rencontrer au moment de savoir qui va garder l’ancienne maison commune. En cas de vente, il n’y a pas de problème, chaque héritier ou conjoint reçoit sa part de l’argent. Mais si l’un des co-propriétaires souhaite garder pour lui seul le bien immobilier ? Il doit alors effectuer un rachat de soulte.
Le rachat de soulte, ce qu’il faut retenir
- Pour garder une maison après un divorce ou un héritage, il faut racheter la part de son ex ou des autres héritiers. C’est le rachat de la soulte.
- Cette soulte, calculée par le notaire, peut se payer en plusieurs fois. Soit à l’amiable, avec la même procédure que pour un prêt entre particuliers, soit en obtenant un crédit auprès d’une banque.
- Comme toutes les dettes, la soulte peut prescrire.
Le rachat de soulte : compensation monétaire
Ce que le Droit nomme de « soulte » n’est rien d’autre qu’une compensation en argent versée par la personne favorisée à la personne défavorisée lors d’un partage ou d’un échange. La soulte rétablit l’égalité entre les deux parties concernées.
Elle est régie par le Code Civil, précisément l’article 826 :
L’égalité dans le partage est une égalité en valeur.
Chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.
S’il y a lieu à tirage au sort, il est constitué autant de lots qu’il est nécessaire.
Si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte.
On le voit bien, la soulte peut parfois être conséquente, ce n’est pas simple d’avoir la moitié de la valeur d’un bien immobilier disponible dans l’immédiat ! L’impossibilité pour l’une des parties de conserver en son nom seul le bien à partager provoque bien souvent une vente qui n’était pas forcément désirée.
Il existe fort heureusement des solutions, à prendre en compte avant de vendre.
Le mot « soulte » possède la même origine étymologique que le mot « solde », du latin « solvo », qui signifie « acquitter » (une dette). La soulte permet ainsi de « délivrer » une personne de ses obligations vis-à-vis d’une autre. Ce que l’on nomme de « rachat de soulte » n’est ainsi rien d’autre que le paiement de la soulte.
Calcul de la soulte
C’est le notaire qui détermine le montant exact de la soulte, mais il suit en règle générale la formule suivante :
(valeur du bien immobilier actuelle – crédit restant à payer) / 2
Le montant de la soulte peut également être fait à l’amiable, sans passer par un notaire, le plus difficile étant d’évaluer la valeur actuelle du bien immobilier en question.
Pour mieux comprendre, prenons un exemple :
Monique et Pierre divorcent. Il leur restait à rembourser 50 000 euros d’un appartement qui en vaut 200 000. Monique, pour garder seule l’ancien logement, devra prendre en compte le crédit immobilier en cours dans le calcul de la soulte.
Dans un premier temps, on déduit ce qui reste à payer de la valeur du bien immobilier. Ici, on retire donc 50 000 euros aux 200 000 euros que vaut le logement, soit 150 000 euros. On divise cette somme par deux (ou par le nombre d’héritiers dans le cas du calcul d’une soulte lors d’une succession). Monique devra donc payer 75 000 euros à Pierre pour conserver le logement, et rembourser désormais seule les 50 000 euros de crédit restant.
Délai de paiement de soulte : payer en plusieurs fois
S’agissant d’un paiement entre particuliers, sans l’intervention de banques, il est tout à fait possible que deux frères ou deux ex-conjoints s’arrangent à l’amiable quant au rachat de la soulte. Cet arrangement est alors similaire au prêt entre particuliers, permettant aux personnes concernées de s’affranchir des banques.
Avec l’aide du notaire, les parties vont alors décider d’un calendrier de remboursement, et fixer un taux d’intérêt, souvent égal au taux d’intérêt légal.
Il s’agit sans doute de la meilleure solution de « financement » d’une soulte, mais il faut bien sûr que tout le monde soit d’accord. Cet accord est souvent scrupuleusement respecté, la personne recevant la soulte pouvant demander la vente du bien immobilier pour se faire rembourser en cas de non-respect des clauses établies par le notaire.
A savoir : si pendant le délai de paiement de la soulte la valeur du bien augmente ou diminue de plus d’un quart, la soulte doit augmenter ou diminuer dans les mêmes proportions.
Comment ne pas payer la soulte ?
Prescription du paiement de la soulte
Si pour une ou l’autre raison le paiement de la soulte n’était pas effectué, il faut avoir en tête que, comme toutes les dettes, il peut y avoir prescription. Pour être sûrs, il ne faut pas rester 5 ans sans réclamer ce que l’on nous doit, même s’il s’agit du frère ou de la sœur.
L’autre solution passe tout simplement par garder la maison en indivision, comme nous allons le voir plus tard dans l’article.
Rachat de soulte par un tiers
Il est tout à fait possible pour celui qui rachète la soulte de « se faire aider » par une tierce personne, pourquoi pas la nouvelle amie du conjoint nouvellement divorcé. La nouvelle amie serait alors co-propriétaire du bien immobilier.
Crédit et rachat de soulte
Dans l’impossibilité d’un accord à l’amiable pour le paiement d’une soulte, il est toujours possible d’avoir recours à un crédit, pour peu que l’emprunteur puisse encore s’endetter. Il suffit de se diriger vers son conseiller bancaire, qui saura proposer la meilleure solution de financement.
Les conditions pour obtenir un crédit pour rachat de soulte sont similaires à l’ensemble des crédits. L’emprunteur ne doit pas dépasser un taux d’endettement de 33% de ses revenus, avoir des revenus stables (le sacro-saint CDI), ou avoir des garants solides ou des biens importants à mettre en garantie. Pris en compte également, le montant des charges, par exemple une éventuelle pension alimentaire…
Cela étant dit, les conditions pour obtenir un crédit pour racheter une soulte sont plus souples qu’un crédit immobilier classique. Les banques ne prêtent qu’une partie de la valeur du bien immobilier. En cas de non-paiement du crédit, elles peuvent ainsi se rembourser assez facilement avec la vente du logement en cas de prêt hypothécaire par exemple.
Conséquences d’un crédit immobilier sur la soulte en cas de divorce
C’est le contrat de mariage qui va déterminer les conséquences du divorce sur le bien immobilier acheté pendant le mariage et son crédit correspondant.
- En cas de régime de séparation de biens, tout est clair, chacun est responsable du remboursement suivant sa part du bien immobilier (sauf pour la résidence principale de la famille, détenue à parts égales par les deux époux).
- En cas de communauté réduite aux acquêts, le plus commun en France, chacun doit rembourser à parts égales le crédit immobilier en cours.
Celui qui veut garder pour lui le logement peut prendre sous sa responsabilité le crédit immobilier en cours et ainsi déduire de la soulte à verser à son ex-conjoint sa part de la dette. Les anciens époux doivent pour cela demander à la banque une désolidarisation du prêt du conjoint ne voulant pas conserver le bien immobilier.
Attention ! Une banque est parfaitement libre de refuser une désolidarisation, estimant que le conjoint restant seul à rembourser le crédit ne peut faire face à son nouvel endettement.
Rachat de crédit pour rachat de soulte
Le crédit immobilier en cours peut être « fusionné » avec un éventuel crédit pour rachat de soulte, grâce au rachat de crédit. Un rachat de crédit permet ainsi de rallonger les durées de remboursement et par conséquent avoir des mensualités plus petites. Mais qui dit durée de remboursement plus longue dit également plus d’intérêts versés à la banque.
C’est peut-être le prix à payer lorsque l’on veut conserver un bien immobilier après une succession ou un divorce.
Pour en savoir plus, lire notre article sur le rachat de crédit
Qui paie les droits de succession ?
Pour pouvoir hériter d’un bien immobilier, encore faut-il pouvoir en payer les droits de succession dans les 6 mois après le décès. Chaque héritier doit payer sa part de cet impôt. Il peut le faire en utilisant l’argent reçu de la soulte, ou le faire à « crédit », l’Etat permettant le paiement en plusieurs fois.
Pour celui qui conserve le bien immobilier, il doit donc payer à la fois la soulte à ses cohéritiers, et payer sa part des droits de succession. L’aménagement des paiements est ici souvent essentiel, les personnes pouvant se permettre de tout payer d’un seul coup étant assez rares…
Pour en savoir plus : crédit pour payer les droits de succession
Garder la maison en indivision
Rien n’oblige les héritiers à effectuer le partage d’une succession. Si rien n’est fait, la propriété reste en indivision, chaque frère et sœur ayant son mot à dire sur les décisions prises concernant le bien. C’est une solution quand personne ne peut payer de rachat de soulte dans l’immédiat, et que l’on ne désire pas vendre. L’indivision est également valable pour des conjoints divorcés, après un passage chez le notaire pour établir une convention d’indivision.
Les frais de notaires pour établir une convention d’indivision sont relativement accessibles : en général, ils correspondent à 1,5% de la valeur du bien immobilier. C’est bien moins que les frais de notaire pour une soulte, entre 7 à 8% de la valeur de cette compensation…
La personne qui reste dans la maison devra compenser les autres propriétaires de l’indivision, en leur payant une pension. Cette pension est calculée suivant la valeur locative du bien immobilier et les parts de l’occupant dans l’indivision.
Exemple : si le logement était loué, la valeur de la location serait de 1000 euros par mois. Celui qui reste, qui possède la moitié de l’indivision, devra donc payer la moitié des 1000 euros par mois, soit 500 euros à l’autre propriétaire.
Si personne n’a les moyens de vivre dans la maison et de payer par conséquent une pension aux autres coindivisaires, une solution simple passe par la mise en location du bien immobilier. Chaque propriétaire se partage alors l’argent du loyer.
Garder la maison en indivision fonctionne si tout le monde est d’accord pour ce status quo, en attendant d’avoir l’argent pour effectuer un rachat de soulte. En cas de séparation, c’est aussi un bon moyen de préserver les enfants, qui n’auraient pas à déménager immédiatement après le divorce.
Il est possible de créer une Société Civile Immobilière Familiale, une SCI entre héritiers, afin de simplifier la gestion des biens immobiliers reçus en héritage. Ceci permet de profiter d’avantages fiscaux, et de se prémunir d’éventuels blocages liés à l’indivision si l’un des héritiers n’est pas d’accord avec la gestion du bien.
Questions / Réponses
La soulte est une compensation en argent payée par la personne gardant le bien autrefois partagé aux autres ayants-droits.
On peut garder le bien en indivision, sans recourir au partage et par conséquent au rachat de soulte. Alternativement, une soulte non réclamée pendant 5 ans peut prescrire.
Non, il est possible de garder le bien en indivision. Autrement, oui, elle est obligatoire.