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La gigantesque crise financière que nous traversons, qui prend des allures de crise permanente, pousse les demandeurs de crédit à « enjoliver » leur dossier afin d’augmenter leurs chances d’obtenir un prêt bancaire. On montre des bulletins de salaire alors qu’on est au chômage, on présente des loyers plus petits que ce qu’ils ne sont en réalité… Comme le dirait un certain président américain, on présente des « faits alternatifs », ce qui, en clair, correspond à du mensonge. Les surendettés, qui ne peuvent plus faire de crédit parce qu’ils sont interdits bancaires sont carrément tentés de présenter de faux papiers d’identité, en se faisant passer pour quelqu’un qui n’a pas d’ennuis d’argent.
Les banques ont des méthodes pour évaluer le risque du crédit, grâce au credit scoring : elles évaluent les possibilités d’emprunt de leurs clients en leur attribuant une note qui se base sur la situation du demandeur et les justificatifs fournis, typiquement des bulletins de salaire, des relevés bancaires ou l’âge, par exemple. Le travail de vérification est de plus en plus poussé, comme je l’ai malheureusement expérimenté lors de ma demande de crédit immobilier pour acheter au Portugal. Pourquoi tant de vérification ? Parce que les fraudeurs donnent du fil à retordre aux banques, avec des techniques toujours plus évoluées de falsification de documents.
Quand on a désespérément besoin d’argent, on se dit que faire des faux papiers pour obtenir un crédit que l’on va rembourser, « promis juré », ce n’est pas si grave. Sauf que bien sûr, rembourser un crédit quand on a pas d’argent ce n’est pas si simple, à moins de savoir dès le départ que l’on ne va jamais payer, ce qui correspond ici clairement à une escroquerie et du vol, tout simplement.
Obtenir de faux papiers
La première étape avant toute fraude au crédit : l’obtention de faux documents. La difficulté pour les obtenir dépend du type de papiers voulus : c’est plus simple de falsifier un bulletin de paye qu’un passeport biométrique. On peut soit les faire soi-même à la maison avec un scanner, un logiciel de retouche photo et une bonne imprimante, soit on peut, pour des documents plus compliqués, faire appel à de véritables « professionnels ».
Ces derniers travaillent principalement pour des immigrés clandestins, désireux d’obtenir de faux papiers d’identité, mais ne sont pas très regardants de toute façon sur qui utilise leurs services…
Il y avait il y a quelques années un faussaire très connu, « Prefector », qui se faisait carrément de la publicité sur les réseaux sociaux. Il nous montrait à quel point le niveau de sophistication des faux papiers est élaboré, déjouant les systèmes de vérification traditionnels. Quand on veut faire un crédit, ce ne sont pas les 400 euros que peuvent coûter une fausse carte d’identité qui va nous arrêter ! D’ailleurs, il vendait carrément des « kits » pour obtenir des crédits, comprenant de fausses fiches de paie, des quittances de loyer et une pièce d’identité. Il a été depuis découvert (au bout de deux ans d’enquête tout de même) et, vous vous en doutez, ne fabrique plus de faux documents !
Faux documents pour obtenir un crédit
On trouve des fraudeurs partout, du jeune « issu de la diversité » aux vieilles françaises « de souche ». Là-dessus, pas de jaloux, devant l’arnaque et l’escroquerie, tout le monde est à égalité. Même ceux qui sont supposés être riches peuvent faire de faux documents, comme nous le prouvent tous les jours les « affaires » de nos politiciens.
Voici quelques exemples d’idées au moment d’arnaquer une banque. En rappelant tout de même que ces exemples sont tous ceux de personnes qui se sont fait prendre.
Nous avons le jeune de 25 ans qui donne de fausses fiches de paie et un faux justificatif de domicile en scannant celui de sa copine de l’époque et en remplaçant les noms. Il parvient à obtenir 12000 euros au Crédit Mutuel et 13000 euros au Crédit du Nord.
Moralité : 8 mois de prison ferme pour cet escroc déjà condamné auparavant pour d’autres affaires.
Ensuite, il y a cette conseillère bancaire du Crédit Agricole qui n’hésitait pas à faire des crédits à la consommation pour elle-même, en faisant des prêts en utilisant les vrais papiers de ses clients. Elle a été découverte parce qu’elle avait fait une pause dans ses remboursements. Je ne connais pas la moralité de cette histoire…
Un dernier exemple : il n’y a pas que les établissements financiers qui sont concernés, mais également les grands magasins. C’est ainsi que M. Traore a pu obtenir plusieurs crédits IKEA, en fournissant une fausse carte d’identité achetée chez un faussaire. En tout, il a fraudé pour 4500 euros de crédit, en « achetant » de choses simples : une télévision, un four, des meubles de cuisine…
C’est en somme, la loi de la débrouille et de la survie pour cet immigré clandestin papa d’une petite fille de 4 ans. Son erreur ? Une faute d’orthographe dans son nom « d’emprunt » sur les dossiers de demande de crédit. Moralité : un an de prison ferme. Nous connaissons tous des magouilleurs pour de sommes beaucoup plus importantes qui ne sont jamais inquiétés. Oui, je pense très fort à l’emploi fictif de Mme Fillon, qui vole aux contribuables en un mois plus d’argent que cet immigré en plusieurs années à une société privée.
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Frauder un crédit pour faire un prêt entre particuliers
C’est une combine originale, qui s’apparente un peu à « Robin des Bois », à ceci près qu’ici, Robin se nomme Francine, et qu’elle touchait une commission. Francine, en interdiction bancaire, aidée de sa sœur Isabelle, fraude donc les sociétés de crédit à la consommation en fournissant de faux documents : faux relevés bancaires, faux papiers d’identité, faux bulletins de salaire.
Elles n’auraient peut-être jamais été découvertes si elles n’avaient pas commencé à faire des crédits pour d’autres personnes. En effet, elles demandaient un crédit frauduleux aux établissements financiers pour des personnes en interdiction bancaire, en touchant une commission au passage. C’est en quelque sorte une sorte de prêt entre particuliers pour le surendetté faisant appel à Francine et Isabelle.
Moralité : trois ans de prison pour les deux. Etant déjà surendettées, elles n’avaient de toute façon rien à craindre financièrement. C’est ce qu’il ne faut pas oublier : une personne en procédure de rétablissement personnel n’a plus rien à perdre, à part sa liberté.
Fraude au crédit immobilier
Le plus dur des crédits à obtenir, le prêt immobilier, est également aussi celui qui exige le plus de vérifications de la part des banques. Ceci permet de mesurer l’exploit de cette femme apporteuse d’affaires qui, pour le compte des « clients » de sa société, avait réussi à leur obtenir des crédits immobiliers à la Société Générale. Pour y parvenir, elle produisait de faux documents. Au total, nous parlons d’une centaine de prêts immobiliers, soit 23 millions d’euros de fraude !
Par ailleurs, la création de sociétés « fictives » est monnaie courante chez les faussaires. Il est aujourd’hui assez simple d’ouvrir une société auprès de l’administration, et d’obtenir ainsi des papiers officiels. Cette même société peut par conséquent émettre des bulletins de salaire qui passent très bien auprès des sociétés de crédit ou des banques.
Fraude au crédit du conjoint
Cette escroquerie est malheureusement très courante : le mari, ou la femme, signe les papiers à la place du conjoint, en imitant sa signature. Le conjoint n’a donc pas consenti au crédit, et se retrouve malgré lui solidaire des dettes contractées.
Cette situation arrive beaucoup plus souvent que l’on ne le croit, et de nombreux exemples ont été évoqués dans les commentaires de notre article « crédit à deux ».
Quand on doit falsifier la signature de son époux, de son épouse, c’est qu’il y a déjà un problème très grave dans le couple, le divorce ne semble pas loin. Autant savoir à quoi s’attendre, en lisant ce qui se passe avec les dettes quand on se sépare définitivement de son conjoint.
Mon conseil : il ou elle vous a menti, en trichant sur votre signature, en sachant que vous alliez dire non. Pouvez-vous lui faire confiance ? Est-ce que vous pardonnez ? Si oui, oubliez cette histoire et soyez solidaire, vous ne pouvez faire que ça de toute façon. Si non, vous ne lui faites plus confiance, allez déposer une plainte à la gendarmerie – le divorce n’est pas loin – et la plainte vous protégera assurément du remboursement d’une dette que vous n’avez pas voulue une fois séparés.
La lutte contre la fraude à l’octroi de crédit
Je ne connais pas les chiffres de la fraude à l’octroi de crédit, mais je sais que c’est un problème suffisamment important pour les sociétés de crédit pour qu’elles embauchent des « chargés d’étude fraude ». Voici une offre d’embauche de BNP Paribas :
Vous travaillerez sur les analyses fraude quel que soit le type de fraude : fraude documentaire (à l’octroi d’un dossier), fraude transactionnelle et fraude e-commerce. Missions : A ce titre, vos principales missions seront les suivantes : – Garantir la mise en place d’indicateurs pertinents sur le suivi de la fraude et la surveillance de ces indicateurs en collaboration avec le service en charge des reportings ; – Analyser les fraudes financées afin de faire évoluer le dispositif d’alerte par une meilleure pertinence des règles ; – Réaliser les études statistiques nécessaires à la compréhension et à l’amélioration des processus fraude en place.
Les banques sont donc très attentives aux risques, et veulent faire évoluer leurs moyens de détection de fraude. Il faut dire que les techniques des escrocs et des vendeurs de faux papiers, on l’a vu, sont de plus en plus évoluées, l’informatique donnant aujourd’hui à tout le monde les moyens de faire des faux. Les sociétés de crédit devaient donc s’adapter à cette nouvelle réalité.
Pour les curieux, il faut avoir au moins un BAC+5 dans le domaine des statistiques pour pouvoir postuler.
En plus des chargés d’étude fraude, les établissements financiers s’équipent de logiciels leur facilitant le travail de détection de fraude. Plusieurs délibérations favorables de la CNIL à l’emploi des nouvelles méthodes de détection de la fraude nous le montrent, comme pour le Crédit Foncier d’Alsace ou la Banque Accord, par exemple. Experian, une entreprise dont je vous avais déjà parlé dans mon article sur le fichier positif, propose des solutions d’analyse de fraude déclarative (les faux papiers), permettant d’accélérer la décision d’octroi du crédit. Cofidis, la Caisse d’Epargne ou le CIC sont des clients d’Experian.
Et même comme ça… il y en a encore qui arrivent à frauder !
Quels risques si on fraude un crédit ?
La fabrication d’un faux document et son usage est un délit connu sous le nom de « faux et usage de faux ».
Voici la définition de ce délit, selon l’article 441-1 du Code Pénal :
Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
Ceci correspond en fait à un terme bien plus simple à comprendre : ceux qui fabriquent des faux et s’en servent sont tout simplement des escrocs. Frauder un crédit en fournissant à la banque de faux bulletins de salaires est ainsi une escroquerie.
Est puni également le simple fait de posséder un faux, de faire une fausse attestation ou de mentir à l’administration. Nous pouvons retrouver toutes les peines sur les textes de Loi, en voici un résumé :
- Faux et usage de faux: 3 ans de prison et 45000 euros d’amende au maximum. Si le faux est un document de l’administration (carte d’identité…), la peine est aggravée : 5 ans de prison et 75000 euros d’amende au maximum.
- Possession d’un faux document, sans usage: 2 ans de prison et 30000 euros d’amende au maximum. Ces peines montent à 5 ans de prison 75000 euros d’amende si on possède plusieurs faux documents.
- Faire une fausse attestation (qui n’a pas de valeur juridique) est passible d’un an de prison et de 15000 euros d’amende. Si cette attestation porte un préjudice à quelqu’un, la sanction monte à 3 ans de prison et 45000 euros d’amende au maximum.
- Mensonge à l’administration (sans apporter de faux documents) : 2 ans de prison et 30000 euros d’amende au maximum.
Toutes ces peines sont très fortement aggravées pour les dépositaires de l’autorité publique ou pour les « faussaires professionnels ». Prefector le faussaire risque donc une peine de 7 ans de prison.
Les délits, comme les crimes, sont inscrits au casier judiciaire. Bref, si vous pensez frauder un crédit en forgeant de faux documents, vous voilà prévenus, mais en résumé :
Aide juridique pour fraude au crédit
Vous avez fraudé. Si vous n’avez pas obtenu de crédit, inutile de trop y penser, mais il ne faudra surtout pas recommencer. Dites-vous bien que si vous n’avez pas obtenu de crédit malgré vos faux justificatifs, c’est peut-être parce que la fraude a été découverte ! N’oubliez pas que les banques se partagent entre elles ce type d’information, elles dénoncent les fraudeurs et vous risqueriez de ne plus jamais pouvoir faire de crédit.
Maintenant, imaginons que vous avez obtenu le crédit après avoir fraudé. Si la banque ne dit rien et que vous payez vos mensualités de crédit religieusement, je pense que vous ne craignez pas grand-chose. Oui, ce n’est pas bien de dire ça, mais honnêtement, quelqu’un qui doit mentir sur ses revenus risque d’avoir un incident de paiement. Et là, la fraude sera très probablement découverte, avec toutes les conséquences que cela implique.
Vous avez des remords, vous ne dormez pas la nuit parce que vous avez donné des faux papiers. Le délai pour obtenir le crédit semble alors interminable… On a l’habitude de dire que faute avouée est à moitié pardonnée. Si vous n’avez pas encore obtenu le crédit, dites à l’établissement financier que vous n’en voulez plus. Si vous l’avez obtenu… je vous plains, vous et votre peur. Je vous copie colle la réponse d’un avocat sur Internet à quelqu’un qui était prise de remords pour avoir frauder en faisant de fausses factures :
Mon conseil est de partager vos remords avec d’autres personnes que la justice, à moins que vous ne préfériez être jugé et condamné pour abus de confiance au remboursement des sommes détournées et à une amende pénale pour être en paix avec votre conscience.
Je pense qu’il a tout résumé. Allez faire un tour sur sa page de blog « les conditions et les sanctions du délit pénal d’escroquerie ». C’est un avocat, il saura vous conseiller, même (et surtout) si vous avez été pris.
Si vous n’avez pas les moyens de faire appel à un avocat en bonne et due forme, il vous reste l’aide juridique gratuite. De plus, si vous n’avez pas d’argent, ce qui est très probable, vous allez sûrement vous retrouver en situation de surendettement. Il ne s’agit donc pas qu’une histoire d’amendes, de remboursement et de prison, mais également d’interdiction bancaire. Sans compter que même si vous n’êtes plus interdit bancaire au bout de plusieurs années, les banques auront toujours le souvenir du fraudeur : bon courage pour demander un crédit !
Ce n’est pas compliqué, de faire un faux bulletin de salaire pour obtenir un crédit plus facilement. Mais c’est… ILLEGAL !
Les peines encourues pour faux et usage de faux pour obtenir un crédit me semblent assez légères, on parle de quelques mois de prison dans la grande majorité des cas de fraude au crédit. Pas de quoi dissuader quelqu’un de vraiment déterminé, malheureusement. Parce que oui, les journaux nous parlent souvent de ceux qui se font attraper, mais on ignore combien ont réussi leur coup sans jamais se faire prendre, les banques restant très discrètes sur ce sujet, comme on les comprend.
Est-ce que ça vaut le coup ? A vous de juger, vous êtes responsables de vos actes, même et surtout illégaux. Qu’on ait l’intention ou pas de rembourser le crédit obtenu en fraude ne change pas grand-chose, si les établissements bancaires ont établi des règles d’octroi du crédit, c’est justement pour éviter le défaut de paiement de l’emprunteur au maximum ! Au-delà de la Morale, je suis personnellement totalement contre ce genre de pratique, qui ne vont réussir qu’une seule chose si elle se généralise trop : les établissements financiers vont énormément renforcer leurs vérifications, compliquant ainsi la vie des gens honnêtes, et sans doute augmenter les taux d’intérêts, l’octroi du crédit devenant une activité plus risquée qu’auparavant.