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Dans le monde des subtilités bancaires, les comptes à découvert sont rois. Je vous propose de découvrir ces frais de banque, souvent abusifs.
Le découvert bancaire
Un compte bancaire, pour bien fonctionner, doit avoir de l’argent. On dit qu’il doit être « approvisionné », c’est-à-dire qu’il doit avoir suffisamment d’argent pour payer les dépenses. Si on a de l’argent sur le compte courant, il est donc créditeur. En revanche, si on a plus d’argent sur son compte bancaire et qu’il y a des dépenses qui vont arriver, le compte va être débiteur : on va devoir de l’argent à la banque, on dit alors qu’on est « à découvert ».
Le découvert est en général accepté par la banque, dans la limite d’un montant et d’une durée fixée au préalable, à l’ouverture du compte en général. L’autorisation de découvert bancaire est une solution provisoire aux problèmes d’argent en fin de mois. Ce service payant proposé par les banques se fait au cas par cas. Toutes les règles du découvert sont normalement stipulées sur le contrat, ou sur la convention de compte.
Le découvert autorisé
Le découvert n’est pas un droit, mais un service de la banque, qui peut l’autoriser, mais également le refuser. Il est bien plus simple d’obtenir une autorisation de découvert bancaire lorsqu’il n’y a pas de problème d’argent. Une personne surendettée par exemple n’a pratiquement aucune chance d’obtenir l’autorisation. Je conseille donc vivement à tout le monde de faire une demande de découvert bancaire, surtout quand rien ne le justifie : le jour où on a besoin d’un découvert, on sera bien content de pouvoir le faire. On ne paye rien tant qu’on n’est pas à découvert. Un découvert autorisé est moins cher qu’un découvert non autorisé, et permet surtout d’éviter un fichage à la Banque de France. Le Fichier Central des Chèques (FCC) intervient donc lorsqu’un paiement a été refusé ou un chèque à été rejeté.
Le montant du découvert autorisé est à négocier avec son banquier. La prudence et l’usage fixent en général le montant du découvert à la moitié du salaire. Quelqu’un qui gagne 2000 euros par mois peut ainsi obtenir sans difficulté une autorisation de découvert de 1000 euros.
Facilité de caisse
C’est sans doute le « découvert » le plus commun. En cas de difficulté de trésorerie, la banque autorise, pour une courte durée, le plus souvent moins d’un mois, que le compte bancaire soit débiteur. C’est une avance d’argent, en attendant le salaire. La banque avance cet argent, parce qu’elle sait que chaque mois, le client a des rentrées d’argent fixes, sur lesquelles on peut compter. Cette avance de trésorerie est pratique, quand par exemple on a le loyer qui tombe le 5 du mois, mais que le salaire n’arrive que le 15.
Le découvert autorisé supérieur à 90 jours
Un découvert qui serait autorisé à durer plus de 3 mois devient un crédit à la consommation, et est donc régit par les lois du Code de la Consommation (Art. L 311-1 et suivants). Un tel découvert doit faire l’objet d’une offre de crédit. Un crédit à la consommation, bien moins cher qu’un découvert, est donc avantageux pour ceux qui sont en permanence à découvert.
Les agios du découvert bancaire
Nous l’avons vu, le découvert bancaire est un service bancaire, et, en tant que tel, n’est pas gratuit, au contraire. On décrie souvent les banques pour ses frais bancaires, mais il faut oublier tout de suite l’idée que la banque puisse gagner la plupart de ses revenus grâce aux frais bancaires. Croyez-moi, une banque préférerait largement ne jamais avoir à avancer de l’argent pour des personnes à découvert.
Les frais d’un découvert sont connus par leur petit nom, « agio », une francisation de l’italien « aggiungere », qui veut dire « augmenter ». On comprend que les agios sont donc la part de « revenu » de la banque, en échange du service rendu. Il n’y a pas de polémique je pense à ce qu’une banque perçoive des agios, mais leur opacité pour les clients communs sont souvent critiquées. On peut ajouter à cela une très grande différence de politique au niveau des agios entre les banques, qui peuvent pratiquer des taux d’intérêts allant du simple au double.
Il faut faire attention à certaines différences d’interprétation du terme « agios ». Pour le banquier, les agios sont les frais de fonctionnement d’un compte courant, qu’il soit ou pas à découvert, tandis que pour le reste du monde, les agios correspondent uniquement aux frais liés au découvert. Ces différences peuvent mener à certaines incompréhensions entre le client et son banquier.
Le calcul des agios : combien coûte un découvert bancaire ?
Les frais d’agios varient au cas par cas. Ils vont dépendre de la banque, mais également du profil du client. Le client étant très souvent à découvert devra en général payer des agios plus importants. Ceci peut sembler illogique de faire payer plus cher celui qui a le moins de moyens, mais il faut comprendre que la banque reflète dans ses intérêts, comme pour n’importe quel autre crédit, le coût du risque de ne pas être remboursée. Vous pouvez obtenir plus d’informations sur la façon dont les banques accordent un crédit en lisant notre article « Crédit Scoring ».
Les agios sont donc calculés en utilisant deux données : la durée du découvert, et le taux d’intérêts appliqué au montant à découvert. Le coût des agios, on l’aura compris, est lié à chaque type de client. Les intérêts des agios sont négociés à l’avance et stipulés sur la convention ou le contrat d’ouverture de compte. Certaines personnes, qui sont d’excellents clients de leur banque, peuvent même négocier de ne pas payer d’agios en cas de découvert autorisé ponctuel.
Exemple de calcul d’agios : pendant 15 jours, le client a été à découvert de 1000 euros. Le taux d’intérêt en cas de découvert pour ce client est de 12%. Ces 12%, annoncés par la banque, équivalent en fait aux intérêts sur un an. Donc si le client était resté à découvert un an, il aurait du rembourser les 1000 euros, et 12% de ces 1000 euros, soit 120 euros, 1120 euros au total. Mais comme il n’a été à découvert que 15 jours, le client ne devra rembourser que 5 euros.
Les intérêts appliqués par la banque sont soumis aux lois du crédit à la consommation, et ne peuvent donc pas dépasser le « taux d’usure », le taux maximum légal.
Attention !
Il existe des subtilités à prendre en compte au moment de calculer les agios. Nous avons vu que le calcul de ces frais bancaires se faisait sur le temps qu’on a été à découvert. Les « dates de valeur » sont les dates prises en compte par la banque pour déterminer la durée du découvert. Si par exemple on dépose un chèque, il faut se souvenir qu’il ne sera crédité que quelques jours après, la date de valeur prise en compte étant le jour où le chèque a été crédité sur le compte.
Il faut également faire attention aux chèques sans provision : un chèque impayé peut coûter très cher, engendrant d’importants frais bancaires. En conclusion, il vaut mieux attendre que le chèque soit bien crédité avant de faire une grosse dépense.
Le découvert non autorisé : découvert bancaire dépassé
Le découvert autorisé est un avantage indéniable, simplifiant pour beaucoup les fins de mois parfois difficiles. Mais si le découvert n’est pas autorisé, où qu’il est dépassé, le client sera fortement pénalisé. On peut se retrouver en découvert non autorisé ponctuellement, à la suite du règlement d’un chèque ou d’un prélèvement automatique alors que le compte n’avait pas assez d’argent.
La banque, pour éviter un fichage à la Banque de France de son client, peut décider de payer, malgré le dépassement du découvert autorisé. C’est la banque qui décide, en fonction du profil du client. Quelqu’un qui possède d’autres comptes au sein de la même banque, avec une épargne conséquente par exemple, n’aura aucune difficulté à faire pencher la balance en sa faveur.
Au contraire, quelqu’un qui n’a qu’un compte courant, qui est souvent à découvert, aura beaucoup de mal à éviter l’interdiction bancaire. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de contrat obligeant la banque de payer. Pour rappel, le fichage intervient quand on a omis de payer ce que l’on doit : un chèque sans provision est l’exemple le plus répandu. Si par bonheur la banque accepte de payer, les agios seront alors bien plus élevés qu’en cas de découvert autorisé.
Idéalement, il faut prévenir son banquier que le compte se retrouvera à découvert. Ceci va lui permettre de proposer de plus petits intérêts et montrera la bonne foi du client. Le dialogue avec son conseiller est essentiel. Il faut toujours garder en tête que la banque a la totale liberté en la matière : ce n’est pas parce qu’elle a accepté une fois le découvert non autorisé qu’elle le refera par la suite.
Les commissions d’intervention ou frais de forçage
Il existe des différences entre le type de débit provoquant le découvert. Un chèque sans provision est par exemple plus difficile à traiter qu’un prélèvement automatique non provisionné. En clair, un chèque en bois va coûter beaucoup plus cher en frais bancaires au client si la banque décide malgré tout de l’honorer qu’un prélèvement bancaire.
Si le banquier accepte le dépassement du découvert autorisé, en plus de la majoration des intérêts, il devra également faire payer au client des frais supplémentaires par opération. C’est la « commission d’intervention », également connue par « frais de forçage ». Dans ces frais, on retrouve le courrier impersonnel que l’on reçoit à la maison, nous demandant de mettre de l’argent sur le compte en déficit. Ce sont ces frais qui sont les plus polémiques, à tel point qu’il a fallu faire une Loi pour mettre un peu d’ordre dans tout ça : on pouvait payer des frais pour un euro de découvert ! Avant la nouvelle Loi, ces frais variaient fortement entre les différentes banques, allant de 5 à 10 euros par opération. On comprend très vite que les frais pouvaient très rapidement monter pour atteindre des sommes importantes, même avec ce qui était au départ un petit découvert.
Depuis le 1er janvier 2014, si on a un découvert provoquant des frais de forçage, la Loi va protéger le client de la banque en limitant ces frais. Les sommes peuvent tout de même être très importantes, surtout pour un simple courrier d’avertissement automatisé. Les « interventions » sont heureusement limitées à 10 par mois, et à 8 euros par intervention, soit tout de même 80 euros par mois, uniquement pour avertir le client qu’il n’a plus d’argent. Imaginez quelqu’un qui n’a pas d’argent, et qui doit par-dessus le marché 80 euros supplémentaires à sa banque…
A ce sujet, pour connaître les tarifs bancaires de sa région, le gouvernement a mis en place un site très pratique, www.tarifs-bancaires.gouv.fr . Il nous permet de choisir son département, et de comparer le service bancaire de son choix entre toutes les banques près de chez soi. On peut ainsi voir que dans le Cher, toutes les banques ont adopté le tarif maximum de 8 euros, sauf le Crédit Municipal de Bordeaux (6 euros), la Banque Postale (6,60 euros) et surtout la Macif, qui ne prend que 5 euros.
Ces frais importants sont justifiés, officiellement, par le fait que le banquier doit prendre la décision à chaque opération, d’accepter ou de refuser le paiement. C’est un traitement manuel, qui a donc un coût, reflété immédiatement sur le compte bancaire du client en situation de découvert non autorisé. Si on a dépassé les limites des frais d’intervention, la banque ne pourra faire autrement que de refuser les paiements, et d’inscrire le client sur le fichier des incidents de paiement de la Banque de France, le Fichier Central des Chèques.
Se faire rembourser les frais bancaires
Les modalités juridiques des découverts non autorisés sont complexes. Il n’y a pas de contrat, c’est le bon vouloir de la banque qui entre en jeu. En clair, que la banque paie nos chèques sans provision ou accepte un prélèvement, c’est une faveur que la banque nous fait, rien ne l’oblige à le faire. Il est dès lors très compliqué en tribunal de condamner une pratique bancaire que certains peuvent juger excessive au vu des frais importants qu’elle peut engendrer.
Certaines personnes attaquent en justice leur banque, le plus souvent des entrepreneurs, qui peuvent très rapidement se retrouver avec des commissions d’intervention astronomiques au vu des nombreuses opérations qu’un compte bancaire professionnel peut avoir. En général, c’est peine perdue, hormis pour certaines interventions bancaires très spécifiques : les paiements par carte bleue, automatiques, ne peuvent donc pas faire l’objet d’un traitement de rejet ou d’acceptation, ce que certains banquiers semblent ignorer en facturant des commissions d’intervention indues. C’est une des rares occasions où il est possible de se faire rembourser de ses frais bancaires.
Il existe toutefois un espoir contre les abus bancaires. Depuis 2018, l’association Banques Infos Recours intervient de plus en plus fort contre les agences bancaires fautives, avec un certain succès.
Découvert et surendettement
Pour rappel, une interdiction bancaire peut être de deux types :
La première interdiction intervient lorsqu’on a manqué à ses paiements, un chèque en blanc, par exemple. On est alors interdit de chéquier et inscrit à la Banque de France sur le FCC.
La deuxième interdiction intervient si on ne peut plus rembourser ses crédits en cours. On est alors interdit bancaire, mais inscrit sur le FICP, le Fichier national des Incidents de remboursement des crédits aux Particuliers, également géré par la Banque de France.
Ces deux fichages induisent de la part de la banque un empêchement d’autoriser le découvert pour son client. Légalement, rien n’oblige le banquier à interdire le découvert pour une personne en situation de surendettement, mais le banquier n’aurait aucun intérêt à le faire. En étant fiché, le client ne donne aucune garantie au banquier de sa bonne foi sur un éventuel remboursement de son découvert. Il est pratiquement plus simple pour une personne d’obtenir un crédit en étant interdit bancaire (article eKonomia) que d’avoir un découvert autorisé! Les cartes bancaires à débit différé sont également interdites.
Le découvert peut lui-même entraîner une interdiction bancaire. La banque, ayant payé à la place de son client, exige maintenant du client qu’il la rembourse. Si le client ne parvient pas à rembourser, la banque effectuera le fichage. Elle doit néanmoins en informer le client au préalable.
Tout savoir sur le découvert autorisé et non autorisé.
Plutôt que de miser sur le découvert pour simplifier ses fins de mois, il vaut mieux prendre un crédit en cas de découvert important. Le crédit est plus économique et mieux encadré. Acheter quelque chose en sachant délibérément qu’on va se retrouver à découvert est un des plus mauvais choix financiers que l’on puisse faire !