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« Papa, tu peux me prêter de l’argent ? »
En début de vie active, avec tout juste un CDD fraîchement décroché, les banques qui prêtent de l’argent au jeune qui démarre sont rares. Quoi de plus naturel alors pour un fils que de se tourner vers ses parents lorsqu’il s’agit d’obtenir rapidement un peu d’argent ? Il faut acheter une voiture, acheter un logement, payer des travaux… Du point de vue du fils, Papa et maman ont toujours tout payé, que ce soit l’alimentation ou l’éducation, ils peuvent bien encore faire un effort…
Mais une fois les enfants adultes, il n’est plus possible pour un parent de « donner » tout simplement de l’argent : il s’agirait alors d’une donation taxée par l’Etat. De plus, à un moment donné, les parents veulent également profiter un peu de la vie (et de leur argent), et ne tiennent pas à avoir un adulte à leurs crochets, même s’il s’agit de leur fils ou de leur fille.
La solution la plus consensuelle passe ainsi par le crédit entre particuliers, où l’enfant s’engage à rembourser l’argent que ses parents lui prêtent. Il s’agit d’un véritable coup de pouce très bienvenu, il vaut mieux rembourser un crédit à ses parents plutôt que de payer un loyer ou un prêt étudiant. Contrairement aux banques, les parents ne demandent pas à leurs enfants s’ils sont solvables : comme pour un prêt d’honneur, tout se joue sur la confiance et non sur les garanties.
Comment rédiger un contrat de prêt familial
Un crédit, qu’il soit fait dans une banque, ou en famille, doit toujours être formalisé. Le contrat écrit met tout le monde d’accord, et permet d’éviter bien des drames familiaux. Ici, il n’y a pas de « j’ai confiance » qui tienne : aux yeux de la Loi, il faut un contrat écrit dès que l’on emprunte plus de 1500 euros et le déclarer au fisc dès 760 euros (article 23L du code général des impôts, annexe 4). Ce document est utile, ne serait-ce que pour pouvoir prouver qu’il s’agit bien d’un crédit, et non d’une donation !
Le site des impôts propose un modèle de contrat de prêt entre particuliers, que l’on peut consulter et remplir en ligne, puis imprimer. Il existe 6 sections au modèle de contrat proposé.
- Section I : on rédige les informations concernant la personne qui rédige l’acte, le contrat : nom, prénom, adresse. On peut le faire nous-mêmes (emprunteur ou prêteur), ou demander à quelqu’un d’autre de le faire (un ami, un avocat ou encore un notaire par exemple).
- Section II : la date de rédaction du contrat.
- Section III : noms et prénoms de l’emprunteur (ou débiteur) et du prêteur (ou créancier), ainsi que leurs adresses.
- Section IV : préciser le type de prêt : onéreux, à titre gratuit ou une reconnaissance de dette.
Un prêt onéreux, c’est un prêt où l’on paie des intérêts. Pas très habituel entre un père et son fils, mais on ne sait jamais !
Un prêt à titre gratuit, sans intérêts, doit être signé par le prêteur et l’emprunteur. Il s’agit du contrat de prêt le plus commun entre personnes d’une même famille.
La reconnaissance de dette n’a que besoin de la signature de l’emprunteur. - Section V : on indique combien d’argent est emprunté, comment on rembourse, avec quels intérêts.
- Section VI : ajout d’éventuelles clauses.
Le contrat de prêt obéit ainsi à certaines règles, simples mais qui doivent être respectées. On imagine bien qu’il n’est pas acceptable de mentionner sur un contrat de prêt que l’emprunteur devra « rembourser lorsqu’il pourra » !
Modèle de contrat de prêt sans intérêts
En résumé, une simple reconnaissance de dette sous seing privé suffit entre le parent et son enfant. Il s’agit d’un papier signé par l’enfant que le parent garde, où est écrit :
- Qui prête (nom, prénom, adresse)
- Qui emprunte (nom, prénom, adresse)
- Combien d’argent est prêté, ainsi que la précision : « à titre gratuit». Il faut l’écrire en chiffres, mais également en lettres, comme pour un chèque.
- Les modalités de remboursement: par exemple, s’il s’agit d’un prêt familial avec remboursement « in fine » (tout rembourser en une fois) ou s’il faut rembourser mensuellement.
- Date et signature
Pour de grosses sommes d’argent, et lorsqu’il y a d’autres héritiers possibles du prêteur (les frères et sœurs par exemple), il est préférable de faire un acte authentique chez le notaire plutôt qu’un acte sous seing privé, voire même de consulter un avocat fiscaliste. Il sera ainsi, si besoin, plus facile de prouver qu’il ne s’agissait pas d’une donation déguisée le moment venu…
Crédit immobilier et prêt familial
Les prêts familiaux se retrouvent bien souvent dans les achats immobiliers. Les parents aident leurs enfants à acheter leur maison. Leur prêt vient compléter un crédit immobilier obtenu à la banque. C’est tout à fait légal, et permet de réduire le montant à emprunter auprès de l’organisme financier.
La question qui revient le plus souvent au moment de l’emprunt bancaire : « faut-il déclarer le prêt familial à la banque ? ».
Une banque, pour octroyer un crédit, calcule le taux d’endettement des emprunteurs, et doit par conséquent connaitre toutes les dettes en cours, y compris les emprunts familiaux. La réponse a la question est donc, oui, il faut en principe déclarer l’emprunt familial.
Mais en le déclarant, on sait pertinemment qu’on dépasse le taux d’endettement habituel qu’il ne faut pas dépasser (un tiers des revenus), et il est alors tentant de passer sous silence auprès de la banque cet emprunt. L’argent familial serait ainsi compté comme un apport personnel plutôt qu’un endettement supplémentaire, favorisant, et beaucoup, l’obtention du prêt.
Quels sont les risques d’omettre cette non-déclaration ? Entre nous, le plus grand risque est de ne pas obtenir le crédit si la banque le découvre. Et d’avoir ainsi une marque au fer rouge sur sa fiche client, ce qui peut se révéler problématique à l’avenir. D’un autre côté, la banque n’a pas vraiment les moyens de faire la différence entre un don familial et un emprunt familial tant qu’il n’y a pas de problèmes de remboursement… à vous de voir !
En déclarant normalement le prêt familial, la banque le prendra en compte, comme elle prendrait en compte un prêt à taux zéro. C’est moins avantageux qu’un apport personnel, mais c’est beaucoup moins risqué que de faire de fausses déclarations…
Si un parent veut vraiment aider, sans faire de donation, il peut, en plus ou au lieu du prêt familial, se porter caution. Il s’engage auprès de la banque à payer les mensualités du crédit à la place de son enfant si celui-ci venait à faire défaut. C’est la situation idéale pour des parents ayant de hauts revenus.
Faut-il prendre une assurance de prêt familial ?
Le grand avantage d’un prêt entre particuliers, c’est la possibilité de ne pas faire d’assurance, et d’éviter ainsi les coûts qu’elle génère. Toutefois, pour de grosses sommes d’argent, il vaut mieux être prudent. Nous conseillons de prendre une assurance si :
- Il s’agit de beaucoup d’argent (de quoi s’acheter une voiture, par exemple)
- Il y a d’autres héritiers du prêteur (les frères et sœurs)
- La durée de remboursement se compte en années
Typiquement, un prêt familial pour un achat immobilier devrait être accompagné d’une assurance, même minimale.
Il n’y a pas de produit spécifique « assurance de prêt familial », mais chaque assureur propose des produits qui peuvent fonctionner en tant que tel. Nous pensons par exemple à la classique « garantie emprunteur » qui est celle que l’on retrouve dans tous les crédits immobiliers, mais aussi à la « garantie décès » ou « accidents de la vie », qui permet de couvrir, en plus de la mort de l’emprunteur, l’invalidité ou l’arrêt de travail.
En allant voir son assureur ou même un courtier d’assurances (pour faire jouer la concurrence), il est relativement simple d’obtenir rapidement différentes propositions. L’assurance d’un prêt familial est moins exigeante que pour un prêt bancaire, les parents étant (en principe) plus souples que l’institution bancaire…
Comment éviter la donation déguisée
Un prêt familial, entre parents et enfants n’est pas un prêt entre particuliers comme un autre. En effet, le risque de requalification du prêt en tant que donation indirecte, ou pire, en tant que donation déguisée de la part du fisc après un contrôle fiscal est très grand.
Pour des sommes inférieures à 100 000 euros, il est inutile de tenter de faire une donation déguisée. En effet, il n’y a pas d’impôt à payer, les enfants et les parents ayant le droit à un abattement fiscal de 100 000 euros tous les 15 ans. Si chacun des deux parents prête séparément, le montant que l’enfant reçoit en donation peut ainsi aller jusqu’à 200 000 euros, sans compter les dons d’argent liquide de moins de 31 685 euros effectués par n’importe quel ascendant de moins de 80 ans (parents ou grands-parents), eux aussi exonérés d’impôts tous les 15 ans.
Finalement, plus que le fisc, le principal danger de la donation déguisée, c’est la possibilité de créer chez les autres héritiers le sentiment de se sentir lésés si le prêt avait été octroyé peu avant la mort du parent. Ils peuvent considérer qu’on les déshérite en faveur de l’emprunteur. Les cas de détournement de la réserve héréditaire sont fréquents.
Le prêt familial, mal encadré, peut ainsi vite devenir le plus empoisonné des cadeaux : on se fâche avec sa famille qui crie à l’injustice vis-à-vis de l’héritage en plus de subir un redressement fiscal très lourd. Pour éviter cela, il convient de rédiger en bonne et due forme le contrat de prêt, et de s’engager à le rembourser.
L’âge du prêteur et la durée de remboursement du prêt sont deux des principales données prises en compte par le fisc pour déterminer s’il s’agit d’une donation déguisée ou d’un véritable crédit. Le fisc n’est pas dupe, et sait bien qu’un prêt de 400 000 euros sur 20 ans par une personne de 86 ans n’a que peu de chances d’arriver à terme…
Succession : que se passe-t-il en cas de décès ?
Au décès du prêteur, ses héritiers héritent de ses créances. L’emprunteur doit par conséquent rembourser désormais sa dette auprès des héritiers. En clair, si le père qui a prêté de l’argent venait à mourir, le fils devra rembourser son crédit familial aux autres héritiers, après avoir déduit sa part de l’héritage : conjoint du défunt, ses autres frères et sœurs…
Ce n’est pas parce que le prêteur est décédé que l’emprunteur n’a plus à rembourser son emprunt familial !
Une créance héritée est soumise, comme les autres biens, aux droits de succession. Chaque héritier a ainsi une part égale sur cette créance héritée. Si le fils emprunteur devait par exemple 150 000 euros à son père, et qu’il a un autre frère qui hérite, il ne devra plus que 75 000 euros à son frère, la moitié de son crédit familial. Comme pour tout héritage, les frères devront payer des droits de succession.
Si par malheur, c’est l’emprunteur qui venait à mourir avant le prêteur, ce sont les héritiers de l’emprunteur qui devront rembourser le crédit familial, s’ils ne renoncent pas à l’héritage. En clair, les petits-enfants devront rembourser leur grand-père s’ils veulent hériter de leur père décédé.
Prescription du prêt familial
Comme toute dette, il existe un délai de prescription au remboursement. Si le prêteur ne réclame pas son argent (avec une mise en demeure par exemple) au bout de 5 ans à compter de la date prévue du terme (date de remboursement), la dette est prescrite.
S’il n’y a pas de date stipulée de remboursement sur le contrat de prêt familial, c’est la date du contrat qui compte. De plus, attention au fisc, qui peut considérer que ce prêt familial est une donation déguisée, en prenant en compte le délai de prescription allongé (6 ans), surtout si le prêteur est très âgé.
Avant 2008, le délai de prescription était de 30 ans, attention donc si vous êtes un parent prêteur à ne pas créer de conflits inutiles avec les autres frères et sœur de votre fils emprunteur en laissant prescrire sa dette familiale…
Oui au prêt en famille, tant que c’est bien encadré !
Le prêt familial, pour ceux qui le peuvent, est une très bonne solution pour se passer des banques, de leurs taux d’intérêts, et surtout d’éviter leurs éventuels refus. Mais il ne faut pas oublier que les banques n’octroient pas de crédit à tout le monde pour se protéger, mais aussi pour protéger les clients d’eux-mêmes.
Un enfant qui ferait un crédit familial qu’il ne pourrait pas rembourser s’expose à des problèmes parfois bien plus graves qu’une faillite personnelle. En plus de ne plus avoir d’argent, le fils qui a emprunté à son père risque de se fâcher avec sa famille, ou de mettre en difficulté le parent prêteur qui aurait désormais besoin de l’argent prêté.
Avant d’avoir recours à un prêt familial, il faut bien faire ses comptes, et s’assurer, comme pour un crédit classique, de sa solvabilité, de sa capacité à le rembourser. Les parents sont toujours moins exigeants qu’une banque, et peuvent sans doute « pardonner » quelques mensualités non payées supplémentaires, mais le fisc, lui, veille à ce que ce prêt familial ne soit pas considéré comme étant une donation déguisée, ce qui aurait des conséquences dramatiques, avec le paiement d’impôts très conséquents.