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Les banques sont de moins en moins populaires. Leur rôle dans les différentes crises financières de ce début de siècle n’a pas joué en leur faveur, et a entraîné un mouvement de contestation, ou du moins, une envie de tester les alternatives aux services bancaires classiques. Le crédit bancaire, le symbole même des services financiers a ainsi vu apparaître une sorte de concurrence non formelle : le crédit entre particuliers. Nous allons aborder une forme spéciale de ce type de prêt sans intermédiaire bancaire, le « crédit vendeur ».
Crédit vendeur : définition
En faisant très simple, le crédit vendeur serait tout simplement un crédit accordé à l’acheteur par le vendeur. On veut acheter une maison à crédit, c’est le vendeur du bien immobilier qui concède le prêt. On veut reprendre une affaire, c’est l’ancien patron qui permet au repreneur d’acheter à crédit son entreprise. Un terme est souvent associé au crédit vendeur : le Leveraged buy-out, ou LBO. Le crédit vendeur est simplement un cas particulier de cette technique d’acquisition d’entreprise par endettement.
Ce n’est pas un crédit courant, rares sont les particuliers ou même les entreprises qui concèdent des crédits : ce ne sont pas des banques, et ne sont pas aptes à pratiquer des prêts à des particuliers ou d’autres entreprises. Il existe une part de risque à concéder un crédit, en général très bien gérée par les banques, mais beaucoup moins par un particulier. Nous allons voir quels sont les différentes situations où un crédit vendeur peut être envisagé de façon réaliste.
Crédit vendeur et reprise d’entreprise
La reprise d’entreprise est toujours une étape difficile dans la vie d’une société. Le propriétaire cherche souvent quelqu’un de compétent pour pérenniser ce qui peut souvent être l’œuvre d’une vie. Pour le repreneur, le problème est différent : comment trouver les financements nécessaires pour reprendre l’entreprise souhaitée ?
Nous parlons ici d’entreprises aux besoins spécifiques, où les compétences du repreneur sont fondamentales. Une boucherie, pour ne citer que cet exemple, devrait être reprise par un boucher, une boulangerie par un boulanger, et ainsi de suite. On comprend vite l’importance pour le vendeur de trouver la bonne personne pour prendre le relais : il faut que sa clientèle reste fidèle. Souvent, c’est un ancien employé qui reprend l’entreprise ! Lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille, on parle de crédit vendeur familial. Qui de mieux que son propre fils pour reprendre l’affaire, n’est-ce pas ?
Il existe plusieurs solutions de financement pour le repreneur :
- L’épargne, les économies accumulées le long d’une vie. Mais ce cas de figure n’arrive pratiquement jamais, les jeunes repreneurs n’ayant pratiquement jamais les fonds nécessaires !
- Un crédit bancaire pour reprendre une entreprise.
- Les aides financières, souvent octroyées dans l’optique de l’aide à la création d’emploi. C’est le cas des crédits de l’ADIE, du Pôle Emploi ou de l’ACCRE…
- Le prêt d’honneur : comme le nom l’indique, ce sont des prêts qui reposent uniquement sur les compétences et la bonne foi du demandeur. On ne demande pas de garanties financières.
- Le financement participatif.
- Le crédit vendeur, notre sujet ici : on demande directement au vendeur des « facilités de paiement ». Le crédit vendeur en tant que solution de financement d’une reprise d’entreprise est la forme la plus courante de ce type bien particulier de prêt.
Aucune solution de financement n’est exclusive : en plus de ses économies, on peut très bien demander un prêt à la banque, et compléter son financement avec un crédit vendeur, par exemple, pour pouvoir racheter le fonds de commerce voulu.
Caution du crédit vendeur
Le vendeur, pour garantir le prêt qu’il donne au repreneur de sa société, peut demander des garanties. Quelqu’un peut alors se porter garant pour l’acheteur, qui devra donc se charger de trouver une personne pour le cautionner. Faisons simple : un jeune repreneur d’entreprise va demander à ses parents d’être ses garants. Il peut également garantir son prêt avec une hypothèque ou procéder à un gage ou nantissement avec des biens personnels voire même une partie de l’entreprise qu’il rachète.
Avantages d’un crédit vendeur
- Pour l’acquéreur : s’il a obtenu un crédit de la part du vendeur, ceci est un gage sérieux de confiance qui lui est donné par le vendeur. Ce gage est très utile au moment de demander un prêt à la banque, qui est rassurée quant aux compétences du repreneur. De plus, le crédit bancaire serait plus petit. Très avantageux si le taux d’intérêt concédé par le vendeur est plus petit que celui de la banque. Ne parlons même pas du gage de confiance donné par l’ancien propriétaire aux yeux des fournisseurs ou des employés de l’entreprise !
- Pour le vendeur : outre le fait qu’il trouve un « bon repreneur » qui saura pérenniser son ancienne entreprise, il peut également vendre à un prix plus important. Il est plus facile de payer 100 000 euros en trois ans que 90 000 euros en une seule fois. Il peut également payer les plus-values de la cession au fur et à mesure qu’il reçoit les règlements de l’acquéreur, en sachant toutefois que si le repreneur fait partie de la cellule familiale du vendeur, celui-ci est exonéré d’impôt sur la plus-value de cession.
Le crédit vendeur, en pratique
Il n’y a pas vraiment de règle pour un crédit vendeur : il s’agit juste d’un accord entre l’acquéreur et le vendeur. Mais nous pouvons délimiter ici la pratique usuelle, protégeant au mieux les intérêts des deux parties.
Montant du crédit vendeur
Généralement, le montant va de 30 à 50% du prix d’achat de l’entreprise. L’acquéreur doit donc apporter, par un prêt bancaire, sur ses fonds personnels ou grâce à des aides par exemple, le restant. Les crédits vendeurs portant sur 100% de l’entreprise sont rares.
Pour minimiser les risques pour le vendeur, il est tout à fait possible de céder progressivement les parts sociales à l’acquéreur. Si par exemple l’acheteur paye 10% de la valeur de l’entreprise, il en devient propriétaire à 10%. Ce n’est donc pas un crédit vendeur, mais une cession progressive de l’entreprise, payée « comptant ».
On comprend bien sûr qu’un tel système ne peut pas durer : le vendeur, encore détenteur de 90% de la société, touche également 90% des bénéfices : autant dire que le repreneur travaille pour rien ! Il a donc tout intérêt à racheter le plus vite possible la société, avec par exemple un crédit vendeur portant sur 50% du prix d’achat de l’entreprise, et acquérir le reste des parts sociales progressivement, mais le plus rapidement possible. Ce genre de montage est possible lorsque l’ancien propriétaire est encore très présent et impliqué dans la transmission de l’entreprise.
Durée de remboursement du crédit vendeur
Les durées sont en général courtes : le plus souvent, l’acquéreur a 3 ans pour rembourser son crédit vendeur. A bien y penser, c’est normal, nous parlons ici d’une majorité de vendeurs parce qu’ils partent à la retraite : ils pourraient difficilement concéder des crédits comme le font les banques pour 20 ans ou plus.
Ces 3 années de remboursement (en général) sont en quelque sorte une phase de transition pour l’entreprise. Le vendeur peut encore apporter son soutien au jeune repreneur, ils gardent une relation privilégiée : il est en quelque sorte le « parrain » du repreneur.
Taux d’intérêts du crédit vendeur
Les taux d’intérêts sont fixes librement par les deux parties, vendeur et acquéreur, les taux d’usure en vigueur ne s’appliquant pas aux prêts accordés à une personne agissant pour ses besoins professionnels. Le plus souvent, les taux sont préférentiels, voire nuls. Ce « prêt à taux zéro » souvent concédé par le vendeur ne lui fait pas vraiment perdre de l’argent : en décidant du prix de vente de son entreprise, les gains éventuels d’un taux d’intérêt sur une courte durée sont négligeables, et compliqueraient inutilement le contrat.
Clause de earn-out
C’est une clause spéciale que l’on peut retrouver dans les actes de vente d’une société. Il s’agit ici de faire varier la valeur de l’entreprise suivant ses résultats financiers à venir. Un vendeur peut ne pas vouloir vendre son entreprise à un prix modeste, parce qu’il a l’intime conviction que, par exemple, l’année prochaine sera excellente. La valeur de sa société est donc, selon lui, sous-estimée.
C’est ici qu’entre en jeu la clause du « earn-out » : si la société a généré plus de bénéfices qu’initialement estimés, l’acquéreur devra payer plus cher la société qu’il vient de reprendre. Cette clause peut également fonctionner dans l’autre sens, si les bénéfices sont inférieurs, le prix final de la société sera également inférieur. Pour contrôler l’évolution de l’entreprise, le vendeur peut conserver certaines fonctions au sein de l’entreprise, le temps que dure la cession.
Location-gérance ou crédit vendeur ?
La location-gérance permet au propriétaire d’une société de louer sa société à un repreneur. C’est une solution temporaire, en attendant le rachat de sa société par le repreneur/loueur. Pour le cédant de la société, le choix entre une location-gérance ou un crédit vendeur est essentiellement basé sur la localisation de l’entreprise. Une entreprise bien située devrait passer préférentiellement par la location-gérance dans un premier temps, le vendeur disposant toujours de son droit au bail.
L’estimation du succès d’une entreprise au vu de sa localisation ou de son savoir-faire est parfois complexe : est-ce qu’on vient à une boulangerie parce qu’elle fait du bon pain, ou parce qu’elle est juste à côté ?
Crédit vendeur et notaire : précautions à prendre
Pour établir un contrat de crédit vendeur, il est essentiel de passer par un notaire. On pourra stipuler sur le contrat les différentes clauses, essentielles sur ce type de crédit en cas de souci. Les clauses de libération par anticipation par exemple, permettant à l’acquéreur de rembourser plus rapidement son crédit. Ou les clauses de déchéance du terme, indiquant à partir de quel moment le vendeur est en droit de révoquer le contrat de crédit vendeur et se protéger ainsi au mieux du risque d’impayés. Pour être prioritaire dans les remboursements des créanciers en cas de liquidation judiciaire, le vendeur peut inscrire son privilège de vendeur de fonds de commerce au greffe du tribunal de commerce.
Crédit vendeur immobilier
De la même façon qu’il existe un crédit vendeur pour reprendre une entreprise, le crédit vendeur est également possible pour acheter un appartement, une maison ou tout autre bien immobilier. C’est une solution d’acquisition immobilière mal connue, mais qui peut s’avérer efficace pour certains cas précis, une alternative au crédit immobilier classique.
Difficulté à vendre son bien immobilier
Le crédit vendeur permet de proposer une facilité de paiement aux acheteurs potentiels. Lorsque l’acheteur a du mal à obtenir un crédit, ou qu’il veut simplement se passer d’une banque, la possibilité du crédit vendeur est un vrai bonus au moment de l’achat. De plus, le vendeur peut vendre sa maison, son terrain ou son appartement à un prix qui lui semble plus juste.
Le risque principal pour le vendeur, ce sont bien sûr les impayés. Une personne qui a du mal à obtenir un crédit bancaire est en principe une personne qui n’est pas solvable. C’est une relation de confiance très importante qui doit s’établir entre l’acquéreur et le vendeur. En général, les deux personnes se connaissent bien. En cherchant un peu, on peut trouver des annonces immobilières proposant le crédit vendeur, qui s’assimile alors à une vente à terme. Il faut comprendre que la confiance nécessaire pour faire un crédit vendeur immobilier est au final la même confiance qu’il faut pour faire un viager.
Difficulté à obtenir un crédit immobilier
L’acheteur, étant dans l’impossibilité d’obtenir un crédit immobilier, peut proposer au vendeur de lui vendre le bien immobilier avec une partie du montant en crédit vendeur. Il est difficile de trouver un vendeur qui accepte, sauf si ce vendeur n’arrive pas à vendre ou qu’il est une personne qui connait bien l’acheteur.
L’achat immobilier peut donc avoir plusieurs sources de financement. En plus de l’apport personnel (épargne, économies) ou du crédit bancaire, on peut utiliser un crédit concédé par le vendeur lui-même. Le crédit vendeur est modulable, ce sont les deux parties qui se mettent d’accord sur ses modalités.
Un exemple : le vendeur demande 200 000 euros pour son appartement. L’acheteur n’a que 50 000 euros d’apport et 100 000 euros de crédit bancaire. On peut très bien imaginer que le vendeur de l’appartement concède un crédit vendeur de 50 000 euros, en se disant qu’il vaut mieux prendre ce risque plutôt que de baisser le prix de son appartement à, par exemple 170 000 euros.
Le crédit vendeur entre particuliers pour un bien immobilier est donc une possibilité réaliste. Si l’acheteur apporte de solides garanties, pourquoi est-ce que le vendeur refuserait un crédit, même sur le long terme ? Contrairement au crédit vendeur pour la reprise d’entreprise où ce n’est pas habituel, le vendeur peut ici pratiquer un prêt avec taux d’intérêts, tant qu’il est en dessous du taux d’usure, et avoir, en plus du montant de la vente, l’argent des intérêts, le profit qu’une banque aurait eu à sa place.
Dans notre monde qui défie de plus en plus les banques, ce n’est peut-être pas un mauvais choix que de se passer d’une institution bancaire, même pour la vente d’un bien immobilier. C’est bon pour le vendeur, qui empoche les intérêts et vend son bien à un prix juste et c’est bon pour l’acheteur, qui obtient ainsi une facilité de paiement, et probablement un taux d’intérêt inférieur à ce qu’il aurait eu dans une banque.
Crédit vendeur : lorsque le vendeur lui-même concède le crédit à l’acheteur.
Le crédit vendeur permet de compléter avantageusement les économies et le crédit bancaire au moment de reprendre une entreprise. C’est avant tout une histoire de personnes, où tout repose sur la confiance que le vendeur porte à l’emprunteur, qui s’engage à payer à crédit l’entreprise qu’il reprend.
On retrouve souvent le crédit vendeur dans les reprises d’entreprises, souvent des affaires familiales, où le repreneur pratique le même métier que le vendeur. Le jeune repreneur n’a que rarement les fonds nécessaires pour racheter l’entreprise sans cette aide du vendeur. Lorsqu’il s’agit d’acheter une maison, nous parlons d’un crédit vendeur immobilier, qui repose sur la même confiance que l’on peut avoir dans un viager : il est fondamental de faire appel à un notaire et de sécuriser au maximum ce type de prêt entre particuliers.
Comment vivre sans banque
- Le prêt familial
- Prêt entre particuliers, mode d’emploi
- Crédit du Comité Social et Economique de l’entreprise
- Crédit accordé à l’acheteur par le vendeur
- Faire un crédit en bitcoins